Hélène et Guillaume Baron   Clos de la Barthassade

Terrasses du Larzac

Hélène et Guillaume Baron

Clos de la Barthassade

Terrasses du Larzac

Hélène et Guillaume Baron ont tous les deux une formation d’oenologue (un DNO). Ils se sont d’ailleurs rencontrés à l’institut Universitaire de la Vigne et du Vin (Institut Jules Guyot, à Dijon) pendant leur formation. Tous les deux ont une belle expérience dans de beaux domaines bourguignons. Guillaume a travaillé à Saint Aubin chez Dominique Derain (en biodynamie) et à Volnay au domaine de la Pousse d’Or. Hélène, elle, est restée basée sur Marsannay, d’abord chez Jean Fournier puis chez Sylvain Pataille.

Puis ils prennent tous les deux la direction du Sud. Guillaume travaille chez les Dürrbach, au domaine de Trévallon mais l’envie de s’installer et de faire leur propre vin est déjà là.

En 2013, Hélène et Guillaume sautent le pas et créent le Clos de la Barthassade, dans l’appellation Terrasses du Larzac. Ils s’installent d’abord sur Saint Jean de Fos puis très vite, dans de belles installations neuves qu’ils ont fait construire sur Aniane (à 500m de la Grange des Pères si vous connaissez le coin), avec une vue assez super pour être honnête.

Vue sur les contreforts du Larzac depuis le domaine

Le premier millésime ne date que de 2014 mais la reconnaissance de leur travail arrive très vite. Les cuvées sont rapidement épuisées au domaine et on les retrouve déjà à la carte de plusieurs restaurants étoilés. Pour ceux que ça peut “rassurer”, Hélène et Guillaume ont été élus “découverte de l’année” en 2017 par la Revue des Vins de France. Et c’est vrai que la découverte est belle…

La vie à la vigne

Hélène et Guillaume Baron possèdent un joli patrimoine de vignes, dix hectares en tout. Toutes les vignes sont d’âges respectables puisqu’aucun cep n’a moins de 25 ans et la majorité ont atteint la quarantaine. Elles sont reparties en 3 grands îlots.

Le premier îlot est situé sur la commune de Montpeyroux et il a donné son nom au domaine puisqu’il est situé sur le lieu dit Barthassade.

Vue sur l'ilot Barthassade
Les vignes sont de part et d'autre de ce chemin

C’est un ensemble de quatre hectares composé de deux hectares de cinsault, un hectare de mourvèdre et donc un hectare de grenache. Hélène et Guillaume n’ont pas de voisin immédiat sur cet îlot, ce qui est toujours positif lorsque l’on est en bio, on ne reçoit pas les éventuels traitements chimiques des voisins. Une petite forêt borde les vignes côté Ouest, où coule le ruisseau de Lagamas.

La parcelle de Cinsault
La parcelle de grenache-mourvèdre. Sur les deux photos, on distingue bien la fôret qui "clos" l'ensemble

Le cinsault est utilisé principalement en monocépage, l’essentiel devenant la cuvée Pur C. Il sert également à la création d’une cuvée de rosé, assez confidentielle, atypique, mais très qualitative, nommée Fleur de Cinsault.

Le cinsault est un cépage rouge bien sûr mais à jus blanc (comme l’immense majorité des cépages rouges où c’est en fait la peau qui donne la couleur). A la méthode des champenois qui utilisent du pinot noir pour faire des blancs (les blancs de noirs), Hélène et Guillaume utilisent une partie du cinsault pour réaliser un vin blanc (mais tranquille celui là) totalement atypique, le Blanc de Cinsault (oui, le nom est bien trouvé). Une vraie rareté !

Le Cinsault accompagne enfin le grenache et la syrah dans une des trois cuvées d’assemblage en rouge, Les Gravettes.

Les vignes de cinsault sont conduites en gobelet et ce sont les seules à ne pas être effeuillées durant l’été. C’est un cépage sensible qui se porte mieux s’il ne reçoit pas le soleil directement. Chaque cep est donc entretenu de manière à ce que les rameaux forment un “parasol” au desssus des grappes, tâche facilitée par le port retombant du cinsault. Par contre, en dessous, un gros travail d’ébourgeonnage et de suppression des entrecoeurs est effectué afin de garder les grappes bien aérées.

Un vieux cep de Cinsault
Cinsault et son "parasol" de feuillage naturel. Les grappes sont à la fois aérées et au frais !

Côté Sud, la parcelle de Cinsault est délimitée par quelques rangées d’oliviers. Il est toujours intéressant d’avoir en bordure de parcelle des refuges pour la biodiversité, que ce soit des arbres ou des haies. Cela permet de créer un écosystème plus riche et de casser la monotonie d’une monoculture, ne serait-ce que sur le plan visuel. Et puis en l’occurence, cela permet à Hélène et Guillaume de faire leur propre huile d’olive (non, elle n’est pas commercialisée…)

Quelques pieds de cinsault au milieu des oliviers...

Dans cet îlot Barthassade, conjointement au cinsault, on retrouve donc aussi du grenache et du mourvèdre. Le mourvèdre est planté là où le sol est le plus profond. Au bout de la parcelle, côté nord, on retrouve le grenache, qui est lui implanté à l’endroit où il y a le moins de limons (sol peu profond). Le sol est majoritairement composé de cailloutis plus ou moins calcaires.

Sol de cailloutis
Le mourvedre est au premier plan et le grenache derrière. Dans le fond, on distingue le village d'Arboras

Le mourvèdre est un cépage exigeant, il a besoin d’un peu plus d’éléments nutritifs que le grenache (d’où le sol plus profond) et il a surtout besoin d’une plus grande surface foliaire pour amener les raisins à maturité (car plus de feuilles signifie plus de surface permettant la photosynthèse). Les mourvèdres d’Hélène et Guillaume sont facilement reconnaissables, leurs rameaux peuvent monter jusqu’à 2m20-2m30 du sol et personne dans le coin ne laisse autant de surface foliaire.

Quelques ceps de mourvèdre
Une jolie grappe de mourvèdre en fin de veraison

Le grenache de cet îlot part dans la cuvée Billes de Grenache tandis que le mourvèdre lui entre dans la composition des deux cuvées d’assemblages du domaine: la Cuvée H et Les Ouvrées.

Le deuxième îlot de vigne n’est pas sur Montpeyroux mais quelques kilomètres plus au sud, sur la commune de Jonquières. Deux parcelles sont situées au lieu dit Les Combariolles (un lieu dit notamment revendiqué par le Mas Cal Demoura pour une de leur cuvée, ils sont d’ailleurs voisins de vignes). Il s’agit d’une parcelle de syrah et une autre de grenache qui se font face et qui sont seulement séparées par un chemin.

La syrah des Combariolles
Guillaume dans sa vigne de grenache des Combariolles

Comme pour le mourvèdre, un travail énorme est fait sur le palissage de la syrah. Le rognage est assez sévère sur les côtés, pour bien garder l’inter-rang propre (et aussi parce que la syrah a vite tendance à devenir buissonnante) mais en hauteur, Hélène et Guillaume laissent les sarments monter très haut, toujours pour avoir une surface foliaire très importante. Un ébourgeonnage important (suppression des entre-coeurs) est également effectué, une tâche particulièrement longue et fastidieuse sur la syrah.

Les raisins de ces deux parcelles rentrent dans l’assemblage de la cuvée Les Ouvrées, dont la syrah des Combariolles est la composante majoritaire.

A quelques centaines de mètres de ces deux parcelles, Hélène et Guillaume possèdent une autre grande parcelle de Syrah, la syrah du bois de Paulhau. Elle sert de base à la Cuvée H. Le sol y est légèrement différent, bien plus caillouteux. La philosophie de travail par contre est la même, notamment sur l’ébourgeonnage et la hauteur de palissage, un axe fort de leur pratique culturale.

Le sol de cailloutis calcaire de la syrah du bois de Paulhau
Seule la parcelle de gauche appartient à Hélène et Guillaume. On voit quand même la différence avec le voisin...

Le dernier îlot de vignes, qui est en fait l’îlot des cépages blancs, se situe sur Saint Saturnin. C’est un terroir particulièrement adapté car on retrouve plus de calcaire dans les sols, comparativement à Jonquières ou Montpeyroux. Hélène et Guillaume possèdent de la roussanne, un cépage assez commun dans le coin et aussi du chenin, ce qui est déjà un peu plus atypique. Ils sont plantés sur des sols très profonds, avec beaucoup de calcaire en surface donc mais avec en dessous des argiles, qui agissent comme un réservoir d’eau en cas de besoin. Les vignes sont palissées moins haut que pour les cépages rouges, surtout le chenin. Selon Guillaume, cela est bénéfique pour garder une bonne acidité et une belle fraicheur. Quoiqu’il arrive, pour obtenir des blancs frais, on ne vendange pas en sous-maturité ici, comme certains le font. Ils recherchent une fraicheur de terroir et pas une fraicheur “artificielle” liée à une vendange précoce. Les deux cépages sont assemblés dans une cuvée unique, Les Cargadous.

La conduite de la vigne se fait dans le respect du cahier des charges de l’agriculture biologique. Les doses de soufre et de cuivre sont réduites au minimum, notamment grâce à l’utilisation d’un pulvérisateur très large, qui permet de traiter quatre rangs d’un coup au lieu de deux habituellement (ce qui permet aussi de limiter les passages de tracteur et donc la compaction des sols). Hélène et Guillaume effectuent au moins deux passages par saison pour le travail du sol sous et entre les rangs. Aucun insecticide ou désherbant n’est utilisé.

La lutte contre le ver de la grappe s’effectue par confusion sexuelle plutôt que par pulvérisation d’insecticide. C’est un traitement simple, il suffit de fixer des plaquettes contenant des phéromones dans les rangs. Le papillon mâle (à l’origine du ver) se trouve ainsi dans une atmosphère saturée en phéromones et ne retrouve donc pas les femelles pour s’accoupler. Pas d’accouplement, pas d’oeufs et pas d’oeufs, pas de ver. C’est très efficace, moins cher que des traitements chimiques équivalents et surtout respectueux de l’environnement. Bref, tout le monde y gagne (sauf les papillons mâles…).

les petites plaquettes utilisées pour la lutte par confusion sexuelle
Il faut compter environ 500 diffuseurs par hectare de vigne. A changer tous les ans bien sûr.

Hélène et Guillaume n’en font pas mention sur l’étiquette mais le domaine est certifié en agriculture biologique depuis le millésime 2016. Ils réfléchissent actuellement à un passage vers la culture en biodynamie (que Guillaume a déjà expérimenté chez Dominique Derain par le passé) mais ils souhaitent le faire bien, en s’impliquant totalement dans le processus et pas seulement pour en faire un argument commercial. C’est une démarche aujourd’hui extrêmement peu répandue sur l’appellation. La conséquence, c’est qu’il y a peu d’échanges entre vignerons sur ce sujet et pas ou peu “d’émulation” comme dans certaines régions. Cela ne facilite donc pas les choses mais la motivation d’Hélène et Guillaume est bien réelle.

Du raisin au vin

Les raisins sont bien entendu vendangés à la main, avec un tri effectué à la parcelle. Petite originalité, Hélène et Guillaume n’utilisent pas de caissettes comme l’immense majorité des vignerons qui récolte manuellement. Chaque vendangeur possède un seau qu’il vide dans un “pallox”, une petite benne d’environ 300L. Le contenu de ce pallox est ensuite vidé directement dans la cuve de fermentation à l’aide d’un chariot élevateur (après passage ou non dans l’égrappoir en fonction des cépages). Il n’y a pas de tapis à vendange et surtout pas de pompe à marc (un outil magnifique si vous voulez triturer et détruire une vendange…).

Hélène et Guillaume vinifient tout en cuve inox double paroi, régulée par un groupe de froid. Le pressoir est de dernière génération, pneumatique et à membrane centrale, ce qui présente beaucoup d’intérêt (écoulage des jus plus rapide, pas de formation de poches de jus, diminution des rebêches…). Il y a deux chais, un chai pour les blancs et un chai pour les rouges, plus frais. L’hygrométrie y est contrôlée en continue et ajustée au besoin par des brumisateurs pilotés électriquement. On sent que tout a été conçu et réalisé avec beaucoup de soin et avec un souci du détail évident, sans pour autant tomber dans l’ostentatoire ou le tape à l’oeil comme chez certains “grands”. L’objectif est de faire le meilleur vin possible, pas de faire de l’oenotourisme ou un musée.

La cuverie inox du Clos de la Barthassade

Les méthodes de vinification sont elles très traditionnelles et aucun intrant n’est utilisé pour la fermentation qui se déroule donc grâce aux levures indigènes. Les vinifications se font par parcelle et par cépage. L’utilisation du soufre est fait avec une grande parcimonie, une petite dose quelques semaines après la fin des fermentations puis une petite dose à la mise afin d’assurer une bonne conservation. Cela permet d’aboutir à des niveaux très faibles en bouteille, entre 20 et 30mg de libre seulement.

Une grosse partie de la syrah est travaillée en vendanges entières, tout le reste de la vendange est égrappée. Les cuvaisons durent entre vingt et trente jours suivant les cépages et les millésimes avec des extractions douces, quelques remontages en début de fermentation puis des pigeages très légers, sans perforer le chapeau de marc. Les jus de presse et de goutte sont assemblés de suite. La fermentation malolactique se fait elle aussi en cuve. Une partie des vins restent en cuve inox pour l’élevage. Une autre part est entonnée en fûts. Une belle variété de formats, d’âge et de fournisseurs, est utilisée avec notamment Atelier Centre France et François Frères comme principaux tonneliers. Une petite partie enfin (la syrah exclusivement) fait son élevage dans des oeufs en béton.

Le chai d'élevage des rouges, avec beaucoup de gros contenants bois...
Et aussi des oeufs en béton

Le pressurage des blancs se fait plutôt en douceur, à pression modérée en tout cas mais sur des temps assez longs. L’objectif est d’obtenir des jus bien bruns, qui sont mis à débourber (débourbage léger) puis entonnés. Là-aussi Hélène et Guillaume aiment bien mixer plusieurs formats de contenants et plusieurs fournisseurs. On retrouve beaucoup de fûts de 228 et 500 litres de l’Atelier Centre France (le chenin ne va que dans des pièces de ce tonnelier) ainsi qu’un peu de Stockinger.

La Roussanne et le blanc de Cinsault
Les pièces de 500L de chenin.

Les Différentes cuvées

Hélène et Guillaume proposent une gamme très complète et bien construite, dans les trois couleurs, et combinant des vins facilement accessibles en jeunesse et d’autres plus orientés vers la garde. Dans tous les cas, chaque cuvée a une vraie raison d’exister et possède une identité propre forte. Elle s’articule comme suit:

  • Un rosé à majorité de cinsault, issu de la seule parcelle de ce cépage du domaine. Les raisins reçoivent donc le même soin que pour les autres cuvées de cinsault et ne sont en aucun cas des “sous produits” (parcelles moins qualitatives, bouts de rangs ou de parcelles, tri négatif…) comme cela peut arriver dans d’autres domaines. L’élevage se fait en cuve inox et dure entre quatre et six mois. Cette cuvée, dont le volume produit diminue malheureusement année après année, s’appelle Fleur de Cinsault.
  • Le Blanc de Cinsault, un blanc légèrement teinté totalement atypique et étonnant, issu comme son nom l’indique de cinsault. L’élevage se fait en barriques (Stockinger et ACF) et dure trois ans au total. Entre les douze et dix-huit premiers mois, le vin n’est pas ouillé et un voile se forme (comme sur les vins jaunes dans le jura) entrainant une oxydation ménagée contrôlée. Lorsque le caractère “oxydatif” leur parait suffisamment marqué, Hélène et Guillaume “cassent le voile” en ouillant la barrique régulièrement (comme un blanc “traditionnel”) pour le reste de la durée d’élevage. Un “blanc” unique, incroyablement complexe et frais, où le caractère oxydatif est très léger (on est très loin d’un jaune du jura) et bien intégré. Malheureusement, le volume produit est très faible. Il faut dire qu’entre quarante et cinquante litres de jus (par barrique!) s’envolent durant les dix-huit premiers mois sans ouillage. Une bouteille à très forte personnalité, rare et atypique, mais surtout de (très) haut niveau.
  • L’autre blanc du domaine est un assemblage de roussanne et de chenin. Les proportions de chaque cépage varient légèrement en fonction des millésimes mais il est de l’ordre de 60/40. L’élevage se fait totalement en barriques, de 228 et 500 litres (ACF et Stockinger) et dure entre douze et quinze mois. Son petit nom, Les Cargadous.

 

Hélène et Guillaume proposent également six cuvées de rouge, trois en monocépage et trois assemblages.

  • Billes de Grenache, une cuvée pur grenache, élevée à 60% en cuve inox et 40% en barriques de un ou plusieurs vins. Un vin facile d’accès, orienté sur l’éclat de fruit, une belle maturité et un équilibre frais.
  • Pur C qui comme son nom le laisse deviner est une cuvée de pur cinsault. On sait que le cinsault peut donner des choses magnifiques lorsqu’il est travaillé avec soin, comme c’est le cas à la Barthassade. De vieilles vignes bichonnées et un élevage maitrisé nous offre ici un jus gourmand, délié et gorgé de fruits rouges frais.
  • K-libre :La dernière création de Guillaume et Hélène est un pur carignan, élevé sans soufre pendant 24 mois en barriques. Cépage longtemps décrié (et arraché massivement) dans tout le Languedoc, certains vignerons (re)découvrent aujourd’hui toutes ses qualités dès lors qu’il est travaillé en dehors d’une logique productiviste. Un vin à découvrir absolument.
  • Cuvée H : Assemblage de syrah majoritairement puis de grenache et de Mourvèdre à parts égales. L’élevage mixe cuve inox au deux tiers et barriques de un ou plusieurs vins et dure un an.
  • Les Gravettes: Assemblage de Grenache, Cinsault et Syrah. L’élevage est plus long que sur la cuvée H, une quinzaine de mois.
  • Les Ouvrées est la “grande” cuvée d’assemblage du domaine. Majoritairement composée de syrah issue des Combariolles (50%), de mourvèdre (35%) et de grenache (15%). Mourvèdre et grenache sont élevés sous bois, en barriques neuves et usagées. La syrah est vinifiée presque intégralement en vendanges entières pour cette cuvée, elle est élevée à la fois sous bois (barriques et 500L) et dans des oeufs en béton. L’élevage dure entre quinze et dix-huit mois. Une cuvée de garde, pleine et richement constituée, mais en fraicheur. La vendange entière amène un caractère marqué.