Domaine Supply-Royer

Terrasses du Larzac

portait du vigneron Eric Supply, domaine supply-royer à Arboras
Eric Supply

Domaine Supply-Royer

Terrasses du Larzac

portait du vigneron Eric Supply, domaine supply-royer à Arboras
Eric Supply

Eric Supply a commencé sa carrière de vigneron non pas dans le Languedoc, là où il est né, mais en Bourgogne, dans ce qui est aujourd’hui un des domaines les plus réputés de Meursault (et de la Côte de Beaune), le Domaine Roulot. Il y débute à la fin des années 80, le domaine vit alors une période un peu tourmentée, charnière en tout cas, alors que Jean Marc Roulot s’occupe de la reprise du domaine suite au décès de son père Guy, tout en menant de front sa carrière d’acteur. Les vins, même s’ils sont déjà largement reconnus, n’ont pas encore « l’aura » qu’ils peuvent avoir aujourd’hui. Eric Supply est en charge de la vie quotidienne du domaine et s’occupe plus particulièrement du travail en cave.

Eric reste à Meursault un peu plus de dix ans. Aux débuts des années 2000, c’est le retour aux sources avec dans ses bagages un savoir-faire unique sur les vinifications et l’élevage “à la bourguignonne” (en fûts et en réduction donc) de grands vins blancs. Avec Marie-Ange, ils s’installent à Arboras, un petit village niché sur les pentes du Mont Baudile.

Le village d'Arboras
Le village d'Arboras
La vue depuis la placette du village d'Arboras. Les Intillères (une des cuvées du domaine) est au 1er plan, au centre de l'image

Eric travaille alors la semaine au domaine de Malavieille (il y travaille toujours d’ailleurs) et le soir et le WE, ils s’occupent tous les deux de leurs propres vignes. Par passion. Ils débutent avec une surface minuscule, moins d’un hectare, de très vieilles vignes de Bourboulenc. Nous sommes en 2001 et le domaine Supply-Royer crée sa première cuvée (la cuvée qui les fera connaitre des amateurs), le Bourboulenc de Nega Saumas.

Depuis, pratiquement chaque année, une petite parcelle est ajoutée en culture. De la roussanne, de la marsanne et du chenin pour les blancs; de la syrah, du grenache, du mourvèdre et du carignan pour les rouges. Parcelle par parcelle, le domaine s’agrandit mais la philosophie d’artisanat reste. Le domaine compte aujourd’hui cinq hectares de vignes, une très belle surface quand on ne peut s’en occuper que pendant son temps libre et Eric et Marie-Ange ne prévoient plus de s’agrandir désormais. Ils réfléchissent même à se séparer d’une parcelle ou deux, probablement des rouges, pour se recentrer sur les blancs.

Pratiques culturales

La semaine, dans le cadre de son travail comme salarié au domaine de Malavieille, Eric Supply travaille en bio (le domaine est certifié en agriculture biologique). Alors le soir ou le WE, quand Eric va dans SES vignes, ce n’est pas pour utiliser de la chimie…Les vignes du domaine Supply-Royer sont donc cultivées suivant le cahier des charges de l’agriculture bio, même si elles ne possèdent pas de certification. Eric et Marie-Ange ont également une sensibilité pour la biodynamie. La totalité de leurs pratiques à la vigne et à la cave se font suivant le calendrier lunaire par exemple et ils utilisent également des préparations à base de plantes pour prendre soin des vignes. Aucun désherbant n’est évidement utilisé et la “lutte” contre l’herbe dans et sous le rang se fait par un travail du sol (labour, griffage). Eric n’a pas de tracteur et sous-traite l’ensemble de cette tâche à un ami.

Les Vignes

Ils y habitent mais Eric et Marie-Ange ne possèdent que deux parcelles sur le village d’Arboras. La première est une parcelle de carignan rouge. Comme souvent au domaine, artisanat oblige, elle est minuscule, un peu plus de 2000m2 seulement. Les vignes ont plus de 80 ans et constituent un morceau de l’histoire viticole du village. Les Intillères rouge, est la cuvée qui est issue de cette parcelle. C’est la cuvée de rouge du domaine où l’élevage est le plus long. Il dure 24 mois et se déroule en barriques, généralement neuves.

Les carignans rouges quasiment centenaires de la cuvée Les Intillères. Le village d'Arboras est dans le fond.
Le sol (travaillé) des Intillères rouge

La seconde parcelle est située juste à côté et pour le coup fait le grand écart en terme d’âge puisqu’il s’agit de la vigne la plus récente du domaine. Elle a été plantée en 2013. Chenin et Bourboulenc se partagent quasiment à parts égales les 1200m2 de terre. La cuvée s’appelle Les Intillères blanc, c’est la seule cuvée d’assemblage de la gamme. Même si vous êtes un inconditionnel du domaine, il est probable que vous n’ayez jamais entendu parler de ce vin, déjà parce que le 1er millésime est 2016 et surtout parce qu’Eric n’a produit qu’une seule feuillette de ce vin (une feuillette correspond à une demi barrique de vin, c’est à dire 114L). Oui, il y a donc moins de 150 bouteilles produites… A ce niveau là, c’est plus de l’artisanat, c’est quasiment de la haute couture!

Les Intillères blanc, bourboulenc et chenin

Quittons Arboras par le Sud, pour découvrir une nouvelle parcelle, et donc une nouvelle cuvée du domaine. Il s’agit d’une parcelle qu’Eric a acheté il y a une dizaine d’années et qui est située sur la commune de Saint Saturnin (le village où Eric est né et a grandi). Cette parcelle est vraiment spéciale pour lui puisqu’elle a appartenu à son grand-père autrefois, qui l’a par la suite vendue. Là revoilà finalement dans le giron familial et je pense qu’elle ne le quittera plus désormais…

Cette parcelle est très majoritairement plantée en roussanne et permet la création de la cuvée La Roussanne du Bramaïre. Il y a également quelques rangs d’Aligoté (hé oui, c’est le petit secret d’Eric), en souvenir de ses années passées en bourgogne et qui permettent d’amener un peu de fraicheur et d’acidité à cette cuvée. Comme pour tous les blancs du domaine, l’élevage se fait en barriques neuves et dure une année.

La Roussanne du Bramaïre
Eric dans une de ses parcelles fétiches. A gauche, la roussanne et sur la droite, les quelques rangs d'aligoté

Toujours en continuant la route vers le Sud et la commune de Jonquières se trouve une parcelle de mourvèdre, qui nous offre la cuvée Le Mourvèdre des Crouzets. Les vignes sont d’âge vénérable, autour de 90 ans. C’est une parcelle source de beaucoup de soucis (et de travail) pour Eric et Marie Ange. L’esca (une maladie du bois causée par un champignon) s’est malheureusement implantée dans la parcelle et elle est capable de foudroyer en quelques semaines des ceps presque centenaires et qui en pourtant vu passer d’autres…Il en résulte des rendements ridicules (inférieurs à 20 hecto/hectare) sur cette parcelle de seulement 0.30 Ha (soit une production d’environ 600 bouteilles). Cela fait plusieurs années qu’Eric songe à arracher cette parcelle mais beaucoup de ses clients (dont moi) aiment particulièrement cette cuvée et donc Eric s’accroche. Il replante chaque année les manquants (en clonale) pour essayer de compenser les pertes. L’implantation des jeunes plants est rude (les vieux ceps concurrencent énormément) mais les efforts commencent à payer doucement et la parcelle retrouve des couleurs !

La parcelle du Mourvèdre des Crouzets. De jeunes plants côtoient des ceps quasi centenaires
Le sol de cailloutis calcaire du Mourvèdre des Crouzets

Eric et Marie-Ange possèdent un beau patrimoine de vignes sur la commune de Saint Guiraud, mêlant à la fois rouge et blanc. En 2004, Eric a eu le coup de coeur pour 2 hectares de terres situées sur les hauteurs du village mêlant vignes, oliviers, chênes verts et garrigue. Et honnêtement, je le comprends parce que l’endroit est juste magnifique. Un endroit hors du temps où n’importe quel passionné de vin s’imagine pouvoir venir “travailler” tous les jours.

Un petit ilot de marsanne perdu au milieu de la garrigue.
"Chemin d'oliviers" séparant la syrah des pey cherres et le grenache de Costas

Les premiers temps, Marie Ange en a un peu voulu à Eric d’avoir acheté cette parcelle : elle n’était pas pour. Mais un coup de coeur, ça ne se commande pas. Aujourd’hui, elle aussi évoque le bonheur de venir travailler dans ces vignes, en pleine nature, loin de tout voisin, de traitements chimiques, du bruit. Nous retrouvons ici deux parcelles de rouge d’où sont issues autant de cuvées. La première est plantée en grenache sur une superficie d’environ 25 ares. C’est Le Grenache de Costas.

La parcelle du Grenache de Costas

La deuxième parcelle est plantée en syrah. Elle est un peu plus grande, environ 40 ares. C’est La Syrah de Pey Cherres.

Vignes de La Syrah du Pey Cherres

Sur cet îlot sur les hauteurs de Saint Guiraud, on retrouve enfin une petite parcelle de blanc, de la marsanne, qui entre en production en 2017.

Parcelle de Marsanne sur les hauts de Saint Guiraud

Il reste une dernière parcelle à découvrir et il s’agit de la parcelle historique du domaine, celle par laquelle tout à commencé. Elle est située à la sortie du village de Saint Guiraud en allant vers Saint Saturnin de Lucian. 40 ares de très vieilles vignes de bourboulenc quasiment centenaires qui offrent une cuvée devenue la signature du domaine : Le Bourboulenc de Néga Saumas.

La parcelle de Néga Saumas
Un cep centenaire de Bourboulenc. On voit bien que la charge par pied est très faible (seulement 3 grappes ici par exemple, d'où les rendements minuscules) mais le jus n'en est que meilleur. On voit aussi que les grappes sont bien lâches, ce qui est une qualité

Les vieilles vignes produisent des jus très qualitatifs mais malheureusement en quantité infime. Les rendements sont extrêmement bas et sur les derniers millésimes, ils sont même tombés sous les 10 hectolitres/hectare. Une situation difficilement tenable, surtout vu le prix de vente des bouteilles, même quand on a pour moteur la passion. Eric a donc arraché une petite partie de ces vieilles vignes en 2017 (environ 15% je dirais à vue d’oeil) qui de toute façon ne donnaient vraiment plus rien et de nouvelles (toujours du bourboulenc bien sûr) seront replantées à l’horizon 2020, une fois le sol reposé.

Eric et ses bourboulenc, là où tout a commencé

La Cave

Sur Buveur de vin, on ne retrouve que des domaines à taille humaine, des “artisans-vignerons” et par conséquent, les “petits” chais, j’y suis habitué et c’est ce que j’aime. C’est un endroit où on fait du vin, ce n’est pas une galerie d’art alors les “chai-musées bling-bling de designer hyper connu qui coûtent plusieurs dizaines de millions d’euros”, c’est pas trop mon truc. Mais bon, après tout, chacun ses passions. Bref, donc les petits chais, c’est la “routine” dans ma vie de passionné de vin mais en arrivant dans celui d’Eric Supply, il faut bien reconnaitre qu’on voit tout de suite qu’il rentre immédiatement dans le top 3 de la catégorie “chai de poupée”.

C’est un chai vouté, en pierres, situé sous la maison d’habitation de Marie-Ange et Eric. Le bon point, c’est qu’Eric n’a qu’un escalier à descendre pour surveiller sa progéniture. Le moins bon, c’est que la surface de travail n’est que d’une dizaine de mètres carrés. Mais c’est un bel endroit. Assez impressionnant aussi finalement, quand on songe au niveau de qualité des bouteilles qui en sortent.

L'endroit où la magie opère...

Eric élève tous ses vins sous bois et utilise principalement la barrique bourguignonne. En général, il loge les blancs dans des pièces neuves, où ils font leurs fermentations et resteront pour la totalité de leurs élevages, menés en réduction (sans soutirage donc). Eric utilisait jusqu’à récemment un vieux pressoir manuel, un vertical à cliquet mais désormais il emprunte le pressoir pneumatique d’un voisin et ami.

Eric possède également quelques petites cuves inox dans lesquelles les rouges fermentent (fermentation alcoolique). Le vin part ensuite en barriques, neuves ou récentes (aucune barrique n’a plus de deux vins) pour la fermentation malolactique et l’élevage. Eric soutire les rouges en général deux fois durant la période d’élevage. Autant il recherche la réduction sur les blancs, autant il n’hésite pas à soutirer les rouges dès que le besoin s’en fait sentir.

Eric n’achète jamais de barrique d’occasion, il aime connaitre la provenance de sa futaille et y accorde une grande importance. Il se fournit en général à la tonnellerie Ermitage en variant un peu les chauffes et les origines des bois. Chaque cuvée est mise en masse dans les petites cuves inox pour quelques semaines, d’où elles seront mises en bouteilles à la main et par gravité. Les blancs sont collés et filtrés très (très) légèrement (rien pour les rouges).

Les différentes cuvées disponibles à la vente actuellement