Terres d’Imaginaire

Mathilde Magne

carte maine et Loire
Portrait de Mathilde Magne, vigneronne au domaine Terres d’imaginaire, à Rochefort sur Loire, en appellation Anjou

Terres d’Imaginaire

Mathilde Magne

carte maine et Loire
Portrait de Mathilde Magne, vigneronne au domaine Terres d’imaginaire, à Rochefort sur Loire, en appellation Anjou

Avant Propos : Mathilde Magne vit dans le département du Maine-et-Loire, à une quinzaine de kilomètres au Sud d’Angers. Aucun des vins proposés par Mathilde Magne ne possède l’appellation d’Origine Contrôlée Anjou (ni aucune autre AOC d’ailleurs)). Mathilde Magne produit exclusivement des VSIG, des Vins sans Indication Géographique, plus communément appelés Vins de France qui, par définition et pour être clair, peuvent donc être, au regard de la loi, originaires de n’importe où en France

Rochefort-sur-Loire, au coeur de l’Anjou Noir. Un bâtiment agricole anonyme, comme il en existe des milliers, fait face à une maison d’habitation quelconque, comme il en existe des millions. L’espace d’une seconde, je me demande si le GPS ne m’a pas joué un mauvais tour…Suis-je bien chez la « petite nouvelle » dont plusieurs vignerons m’ont dit tant de bien? Après en avoir entendu parler pendant des mois, j’ai découvert Mathilde et ses vins seulement quelques semaines plus tôt, sur un salon mais je ne suis encore jamais venu « sur place ». Un tracteur vigneron au loin…oui, c’est bien ici. Mathilde saute du tracteur. Le sourire est aussi franc que la poignée de main. Comme la première fois. Le débit de parole est toujours là, façon mitraillette. Je me demande si finalement ce n’est pas ça qui la caractérise le mieux. Du dynamisme, ça transpire la passion, de la fraicheur aussi car on sent un vrai plaisir à faire découvrir son univers. « Bon, on y va?! »

On va où? hé bien on va là, face au « bureau » de Mathilde
Fenêtre (naturelle) sur Coteau

Mathilde possède ici pratiquement 7 hectares de vignes. Pour sa première année, elle a démarré avec seulement 3 hectares mais situés dans une autre « vallée », à environ une vingtaine de minutes de route. Elle ne fera qu’un seul millésime (2023) en cumulant les deux lieux, se consacrant par la suite uniquement à cet îlot qui nous fait face. Du cabernet, du Pineau d’Aunis, du Sauvignon et même du Chardonnay s’épnouissent ici. Mais ce qu’on trouve surtout, c’est du chenin. Beaucoup. Et des schistes, encore plus.

Le precieux schiste

[Diversité]. C’est un mot qui revient souvent. Diversité de cépages, avec des parcelles complantées notamment où tout ce petit monde cohabite. Du chenin avec du sauvignon, du pineau d’Aunis soit avec du Chardonnay, soit du Cabernet…Diversité d’âge de vignes aussi, puisque les plus jeunes ont moins de 5 ans et les plus anciennes, plus de 80 ans (La parcelle du Temple a été plantée en 1964, celle de la Pièce de Rollay en 1939). Diversité d’exposition et de sols également, avec des bas de coteaux aux sols plus profonds et argileux, des parcelles plutôt limoneuses et même des coteaux aux sols peu profonds et à la roche pratiquement affleurante. On y retrouve pratiquement toute la panoplie de schistes (sédimentaires et métamorphiques) qu’il est possible de trouver dans la région (verts, gris, pourpres) mais aussi des roches siliceuses, avec du quartz et des bancs de phtanites

Un sol plutot profond à tendance argilo-limoneuse. Le coteau roux est en face
À l’autre extrême, un sommet de coteau pratiquement pur roche avec très peu de profondeur. Non, nous ne sommes pas à Chateauneuf-du-Pape mais en bien en Anjou !

[(Bio)diversité]. Elle est au coeur de la démarche de Mathilde. L’ensemble du domaine a été converti à l’agriculture biologique le lendemain de sa reprise en main. L’objectif est d’avoir une viticulture durable et respectueuse du vivant. Les sols sont travaillés (labourés) de manière superficielle pour aider au développement microbiologique du sol, des engrais verts sont semés, les sarments sont broyés et réintégrés au sol au début de saison. Une partie des vignes, mal implantée et/ou avec un matériel végétal qui ne lui plaisait pas, a été arrachée. Au passage, une parcelle de cabernet franc (Mathilde n’aime pas particulièrement ce cépage, encore moins sur des schistes (personne n’est parfait ????)) a été sur-greffée en Pineau d’Aunis (qu’elle adore (comme tout le monde, non?))

Des sols travaillés sous le rang (ici dans une parcelle de Feu Follet)

Les vignes ne sont pas rognées durant la saison pour ne pas perturber leur équilibre et tant que possible, les (ceps) manquants sont remplacés par des sélections massales de (ses propres) vieilles vignes. La biodiversité est également encouragé par le maintien, voire la plantation de haies et bosquets autour des parcelles. Cela permet de rompre la monoculture de la vigne et d’offrir des refuges à nombre d’espèces animales qui viendront cohabiter et aider à préserver l’équilibre du lieu.

Plein de refuges de biodiversité dans les vignes de Mathilde
Le Coteau Roux est entièrement clos par des arbres ou des haies denses. Une situation privilégiée

Ce lieu, Mathilde n’avait, à priori, aucune raison de s’y retrouver. Elle n’est pas angevine, mais parisienne. Personne dans sa famille n’est dans le monde agricole et à l’origine, elle voulait devenir vétérinaire, commençant même après son BAC une prépa véto. Une tante, elle même vétérinaire, la dissuadera de suivre le même chemin et Mathilde obtient finalement une admission à Sup’Agro (à Paris) qu’elle complète ensuite par un DNO (Diplôme National d’Oenologue) à Montpellier. Elle travaille en Toscane chez Stefano Amerighi et à Saint Émilion au Chateau Figeac durant ce laps de temps.

Mathilde au coeur des ses Terres (d’Imaginaire). La Parcelle Le Temple est au premier plan

Mathilde, vu sa formation, se destine à l’origine plutôt à un poste de « maitre de chai » ou de « régisseuse » d’un gros domaine viticole. Une petite expérience dans un labo d’analyse oenologique en Bourgogne lui fait comprendre qu’elle ne peut pas rester éloignée de la vigne trop longtemps : ce qu’elle aime par dessus tout, c’est toucher la terre et le raisin. La décision de s’installer prend alors forme petit à petit et elle décide de compléter sa formation par une expérience longue « en vigne ». Sylvain Pataille la prend alors sous son aile à Marsannay. Elle restera à ses côtés pendant 3 ans.

Un chai d’élevage entièrement enterré, une rareté en Anjou

[Accompagner]. L’objectif numéro 1 de Mathilde, c’est de produire des raisins dont l’équilibre lui permettra d’intervenir le moins possible en cave. Les fermentations se déroulent en levures indigènes et si possible totalement sans intrant. Mais Mathilde n’hésite pas à intervenir si besoin, avec un micro sulfitage bien placé (jamais plus d’un 1g/hecto), en général au soutirage de fin d’élevage. Elle est oenologue, elle « sait faire ». Aujourd’hui, l’ensemble de la gamme est en « Vin de France » pour des raisons plus pratico-pratiques que dogmatique mais dans les prochains millésimes, Mathilde devrait présenter des vins (les cuvées parcellaires notamment) à l’agrément pour l’appellation Anjou

Le vieux parcellaire de Mathilde est élevé en demi-muids

Même si elle utilise un peu la cuve, l’essentiel des vins est élevé sous bois. Mathilde varie les dimensions des contenants et les provenances mais elle y consacre un soin très particulier. Barrique (bourguignonne) de 228L, des 350L, demi muids de 500 ou 600L, à peu près tout y passe ! Une partie est neuve, notamment sur les cuvées parcellaires (jusqu’à 50% de bois neuf sur la cuvée Pièce de Rollay). Atelier Centre France et la Tonnellerie bourguignonne Rousseau (et sa gamme Piano) font partie de ses fournisseurs fétiches, sur des chauffes légères. Les élevages vont de 6 mois (Feu FolletMirageClair et Obscur) à une année.

J’aime beaucoup le style de Mathilde,  avec des vins qui dansent avec élégance sur ce fil invisible entre “traditionnel” et “nature”, un chemin étroit et difficile à trouver mais qui offre le meilleur des deux mondes.

Mathilde au sommet (du Coteau Roux) 🙂