Chateau Del Ranq

Laure Barthelemy & Sébastien Freychet

Chateau Del Ranq

Laure & Sébastien

Laure et Sébastien se sont rencontrés à Montpellier alors qu’ils planchent tous les deux pour obtenir leur DNO (Diplôme National d’Oenologue). Elle est bourguignonne, de l’Yonne pour être précis. Elle a déjà un bon bagage technique (un BTS Viti Oeno à Beaune) et de belles expériences professionnelles, notamment chez Boillot et Carillon en Côtes de Beaune. Lui est originaire d’ici (de l’Hérault) et en fait, le Chateau del Ranq, c’est le domaine de sa mère. La propriété est dans sa famille maternelle depuis plusieurs générations mais elle a toujours été en métayage jusqu’ici (le domaine a toujours été transmis de femme en femme) si bien qu’il est le premier de sa famille à l’exploiter.

Ils ne se sont pas lancés tout de suite après l’obtention de leur DNO. Laure notamment est repartie travailler une année dans le Chablisien (chez Laroche) avant de (re)venir poser ses valises dans le Sud. Ils se cherchent un peu et essayent de multiplier les expériences, dans des domaines de tailles et de philosophies totalement différentes. Lui chez Christophe Peyrus, une des « stars » du « Pic » (Clos Marie) et elle fera le grand écart entre une expérience formatrice chez le « pur nature » Antony Tortul (La Sorga) et quelques mois dans un très gros domaine traditionnel de l’appellation. Ils s’efforcent ainsi de « toucher à tout » en appréhendant tous les aspects du métier et ainsi, l’air de rien, mûrir et structurer leur projet à venir.

Après un tour d’Europe viticole (Italie, Slovénie, République Tchèque, Suisse, Allemagne), ils s’installent, enfin et pour de bon, à Claret dans l’appellation Pic Saint Loup, au Chateau del Ranq où ils signeront leur premier millésime en 2019. Objectivement, c’est assez idéal comme endroit : il y a une grosse douzaine d’hectares de vignes, ce qui permet de vivre confortablement à 2 tout en gardant la main sur tout et surtout, 150 Ha de garrigue tout autour. Autant dire qu’ils sont tranquilles. Autre gros point fort, les vignes sont parmi les plus septentrionales de toute l’appellation, une caractéristique que Laure et Sébastien doivent se disputer avec les toutes dernières vignes de la commune voisine de Corconne (sur la même latitude mais un peu plus à l’Est) où l’on peut notamment retrouver l’excellent domaine Inebriati de Victor Beau

L’altitude est également très notable et un atout puisque les parcelles sont localisées à partir de 190m et grimpent jusqu’à 230m d’altitude, un des points hauts dans l’appellation. L’altitude moyenne dans l’appellation n’est en effet « que » de 150m et l’essentiel des vignes se situe en deçà de la limite des 200m. Evidemment, c’est deux caractéristiques (l’altitude et leur position très au Nord) contribuent à apporter de la fraicheur dans les vins, l’attribut prédominant des vins de Laure et Sebastien.

Géologiquement parlant, le lieu est assez représentatif de l’appellation, avec des sols globalement assez drainants, principalement argilo-calcaires, avec présence de marnes. Ce qui caractérise l’appellation est également sa pluviométrie plus abondante que dans les Terrasses du Larzac situées plus au Sud par exemple ainsi que des amplitudes thermiques jour /nuit plus importantes (un critère primordial pour aboutir à des maturités phénoliques complètes).

Le matériel végétal est lui aussi qualitatif, avec pas mal de vieilles vignes, essentiellement de la Syrah (l’appellation impose au moins 51% de ce cépage dans les assemblages) mais aussi du Grenache et du Cinsault. De quoi s’amuser un peu donc ! Il y a même un peu de blanc, une parcelle de vieux sauvignons notamment qui donnent la cuvée La Cadène (le sauvignon sudiste le plus bourguignon que je connaisse (mais est-ce vraiment une surprise quand on se rappelle où Laure a grandi et fait ses premières armes de vinificatrice…)). Le problème est que la parcelle est franchement pas grande (60 ares) et les rendements pas monstrueux (vieilles vignes oblige). Heureusement, Laure et Sébastien ont des solutions. Premièrement, faire du blanc avec du rouge (du Cinsault en l’occurence) : c’est la cuvée Blanc de Noir et c’est franchement une vraie réussite (ce cépage est décidément superbe!). Et puis surtout, planter. Une nouvelle parcelle vient de voir le jour avec plein de cépages blancs complantés, au moins une vingtaine : du Sylvaner, de l’Aligoté, des Grenaches, du Bourboulenc, du Chenin, du Biancu Gentile corse et même de l’Assyrtiko grec…A suivre mais ça promet beaucoup !

Côté installations et chai, tout était par contre à faire, l’ensemble de la vendange étant précédemment amené à la coopérative locale. C’est à ce moment que l’ancienne bergerie abandonnée a trouvé sa nouvelle fonction. Environ 1000 brebis prenaient place autrefois dans ce qui est maintenant le chai de vinification. Un bel espace, sans fioriture et fonctionnel : les cuves en haut, le chai d’élevage en dessous, plus au frais.

Même si Laure et Sébastien ne possèdent aujourd’hui plus aucune bête, pour autant, les brebis tiennent toujours une place importante dans la vie du domaine. Tous les hivers, des amis laissent leur troupeau sur place et les moutons naviguent alors entre la garrigue et les vignes. Un bel effectif de 150 travailleurs de l’ombre, qui entretiennent (en broutant l’herbe) et enrichissent (avec leur fumure naturelle et constante) les sols. Une vraie symbiose !

En cave, je trouve que Laure et Sébastien ont su faire la parfaite synthèse de toutes leurs expériences respectives, en trouvant finalement un équilibre entre « vinification cadrée mais trop technique» et «vinification en nature total à tout prix ». L’expérience chez Antony Tortoul à été très enrichissante, avec cet attrait certain pour le sans soufre total mais dans le même temps, ils sont tous les deux oenologues et il faut que les vins soient droits. Tous les vins sont donc (très) légèrement filtrés et aucun n’est totalement sans soufre mais pour autant, les intrant sont réduits au strict minimum et aucun vin ne présente plus de 30mg/L de sulfites total (ça reste vraiment très peu).

Les blancs sont vinifiés « à la bourguignonne », peu ou pas soutirés et intégralement en barriques donc (fermentation + élevage). Il n’y a pas de bois neuf au domaine, toutes les barriques viennent du même endroit, un chouette domaine de la Côte de Beaune (je ne vous dirais pas lequel mais vous avez une chance sur deux vu les maisons où Laure a travaillé 😉). Le résultat est franchement superbe, avec des vins qui ne jouent pas la sous maturité mais sans lourdeur et qui conjuguent gourmandise, classe et finale saline. De grands blancs sudistes de gastronomie

En rouge, la cuvée de Printemps Poucèt est élevée en cuve pour préserver au maximum le croquant de fruit. Le Pic Saint Loup Château (le « coeur de gamme ») est élevé en gros foudres centenaires, que Laure et Sébastien sont allés chiner en Alsace. Des foudres qui n’ont vu pendant 100 ans que du blanc et qu’ils ont donc « tachés » pour leur premier millésime. Un élevage de grande justesse. La confidentielle cuvée Le Ribou, plus dense et issue de vignes implantées sur des veines avec un peu plus d’argiles rouges est quant à elle élevée en barriques bourguignonnes. Les vins offrent tout ce qu’on attend d’un grand Pic Saint Loup : de la maturité et la gourmandise d’un rouge sudiste mais avec une vraie fraicheur et de la digestibilité. Des rouges faciles d’accès mais pas juste faciles, qui parlent de leur terroir, avec profondeur et élégance et sans support aromatique boisé.