Christian Rouchier

Portrait_de_christian_Rouchier_Vigneron_en_appellation_Saint_Joseph

Christian Rouchier

Portrait_de_christian_Rouchier_Vigneron_en_appellation_Saint_Joseph

Christian Rouchier n’est pas issu d’une famille de vigneron. Il est par contre issu du milieu agricole et a toujours plus ou moins travaillé la terre. A ses débuts, c’est un agriculteur comme tant d’autres, qui exploite une petite ferme en polyculture, avec quelques parcelles d’arbres fruitiers et un peu de bétail.

C’est en 2007 que Christian achète sa première vigne, tout près de Saint Jean de Muzols, en appellation Saint Joseph. C’est alors un viticulteur uniquement, il vend sa vendange à d’autres vignerons et ne fait du vin que pour sa consommation personnelle. Dès ses débuts, Christian est en bio et il laboure déjà ses sols avec l’aide précieuse de Loraine, sa comtoise (une jument de trait, pas l’horloge…). Au fil des ans, il se retrouve à faire un peu plus de vin, non pas parce que sa consommation personnelle augmente, mais plutôt parce que les gens alentours aiment son vin et viennent lui en acheter, chaque millésime toujours un peu plus. Dès 2010, Christian obtient sa certification en agriculture biologique

2013 est l’année charnière. Pour la première fois, Christian ne vend pas de vendanges, il vinifie et met en bouteilles l’intégralité de sa production. L’année suivante, il construit une dépendance à sa maison où il installe son chai. Le domaine Rouchier est définitivement lancé !

Vignes et pratiques culturales

Christian Rouchier possède aujourd’hui 2.5 hectares de vignes. Une surface plutôt modeste mais qui, étant donné ses pratiques culturales, l’occupe à plein temps. Un peu plus de la moitié des vignes sont en appellation Saint Joseph, sur la commune de Saint Jean de Muzols. Christian a une approche parcellaire forte et produit 6 cuvées (4 rouges et 2 blancs) malgré sa faible surface. La première cuvée s’appelle Luc et elle est issue d’une parcelle d’un peu moins d’un hectare

La parcelle de syrah donnant la cuvée Luc

100% Syrah évidement, pour cette vigne plantée au début des années 70. Le sol est ici peu profond et l’on tombe assez vite sur le sous-sol de Gneiss. Le dénivelé est impressionnant si bien que trois grandes terrasses ont été aménagées pour casser un peu la pente. L’ensemble est orienté Ouest et entièrement bordé d’arbres. Christian n’a pas de voisin ici (sur aucune de ses parcelles en fait), ce qui est toujours positif, notamment lorsque l’on est en bio (et que ses voisins ne le sont pas…)

La même parcelle, vue depuis le mamelon d'en face. On aperçoit bien les 3 terrasses ainsi que le dénivelé. On peut dire ce qu'on veut, franchement, c'est beau !

La deuxième cuvée parcellaire en appellation Saint Joseph de Christian Rouchier s’appelle La Chave. Elle est issue d’une vieille vigne de syrah, plantée en 1958. La superficie est d’environ un demi hectare et nous sommes là-aussi sur des sols majoritairement composés de gneiss. Le profil de vin obtenu ici est presque toujours différent de celui obtenu sur Luc (d’où l’existence des deux cuvées séparées…) avec en général des jus un peu plus structurés et opulents.

Parcelle de La Chave de Christian Rouchier

Christian possède également des vignes situées en dehors de l’appellation Saint Joseph, deux parcelles pour être exact. La première se situe à environ 50m de la parcelle de La Chave et porte le nom cadastrale Antraigue. Elle est donc située en bordure de l’appellation. C’est une vigne que Christian a planté lui même en 2016. On retrouve ici de la syrah et deux cépages blancs, de la marsanne et du viognier. Il crée ici ses 3 cuvées « Antraigue »: Antraigue ViognierAntraigue Marsanne et Antraigue Syrah

A gauche, la parcelle de La Chave. A droite, la parcelle d'Antraigue, hors appellation donc...des mystères du système d'AOC !

La deuxième parcelle située hors de l’aire d’appellation est une parcelle de vieilles vignes puisqu’elle a été plantée en 1952. C’est un petit jardin, 34 ares seulement (3400m2). On retrouve ici le cépage roi de la région, de la syrah donc, ainsi que du plus rare chasselas (environ 20% du total). A partir du millésime 2019, Christian a décidé de vinifier tous les raisins (rouge et blanc) de cette parcelle ensemble pour créer une seule cuvée qui porte le nom du lieu-dit, Puat

La parcelle de Syrah et Chasselas en Vin de France. Christian est au premier plan

En ce qui concerne les pratiques culturales, le domaine est certifié en agriculture biologique (depuis 2010 donc), ce qui est loin d’être une finalité pour Christian. Plutôt une évidence. L’ensemble des tâches à la vigne se fait à la main. Evidement, les désherbants sont proscrits et après avoir passé des années à labourer les sols (au cheval donc), Christian a totalement changé de pratiques culturales à partir de l’année 2020. Le labour peut être utile pour entretenir et aérer les sols, juguler l’herbe mais par contre les sols minéralisent beaucoup plus vite et Christian a vu le taux de matière organique dans ses parcelles baisser de manière dangereuse. Lui qui, quelques années en arrière ne se voyait pas faire ce métier s’il ne pouvait plus avoir recours à la traction animale (Loraine est d’ailleurs dessinée sur les étiquettes des différentes cuvées, une sorte d’emblème du domaine) a donc décidé de mettre cette dernière à la retraite et de ne plus travailler du tout ses sols. Des engrais verts ont été semés et un paillage est même utilisé à certains endroits en fonction du millésime. Des essais d’agroforesterie sont également en cours (des haies et des arbres ont été plantés en bordures de vignes). L’objectif, de retrouver à la fois de la fraicheur et de la vie microbienne dans les sols, semble en bonne voie et Christian est heureux de la modification de ses pratiques culturales. Un changement d’autant plus courageux que ses pratiques étaient profondément ancrées depuis des années dans la vie du domaine et qui, sincèrement, l’honore.

Loraine...la comtoise de Christian. Loraine à 20 ans.

Pour les traitements (soufre et cuivre uniquement donc), Christian utilise une brouette de pulvérisation. Beaucoup plus léger qu’un tracteur (l’engin ne pèse qu’une centaine de kilos), elle permet de ne pas tasser les sols. L’inconvénient, c’est que l’on doit marcher derrière, ce qui veut dire sept ou huit kilomètres de marche pour chaque passage sur l’intégralité des vignes !

Evidemment, il y a toute une partie ébourgeonnage au printemps puis effeuillage pour limiter les rendements et surtout les entassements de végétation. Christian ne rogne pas ses vignes, une pratique rare (Les Gonon par exemple, situés à proximité, ont la même démarche). Il fait donc des ponts entre plusieurs ceps pour maintenir un rang “propre”. Un gros boulot !

Des "ponts" entre deux ceps...
Une pratique qui demande beaucoup de temps mais qui permet, entre autre, de ne pas perturber le cycle végétatif de la vigne

De la vigne au vin

Christian Rouchier se sent plus l’âme d’un viticulteur que d’un vinificateur. Bien sûr, il est content d’emprunter tout le chemin qui mène de la vigne au vin mais pour lui, la très grande majorité de son travail, c’est de “rentrer les meilleurs raisins possibles”. Une fois fait, Christian devient le moins interventionniste et le plus traditionnel possible. Les vinifications se font donc en vendanges entières et sans aucun intrant, en levures indigènes donc et sans soufre. Christian vinifie dans des grandes cuves (en) béton qu’il est allé dénicher dans le beaujolais. Il faut un bon volume lorsque l’on travaille en vendanges entières (cela prend plus de place qu’une vendange égrappée) et Christian n’a pas lésiné sur les moyens. Ce sont clairement de beaux bébés (des 60hl, c’est beaucoup pour sa surface de vigne) si bien qu’elles ne passaient même pas par la porte, Christian les a installé avec une grue en passant par le toit avant de finir son chai. Autant dire qu’elles sont là pour un moment !

Les 3 cuves en béton de Christian Rouchier

Les extractions sont très mesurées, avec un pigeage par-ci par là, parfois quelques remontages. Christian n’a pas de “recette toute faite”, chaque année est différente et il se laisse toujours guider par son ressenti et la dégustation. En moyenne, la cuvaison dure une vingtaine de jours puis les grappes sont pressées, à la main, avec un vieux pressoir vertical cage bois

Le vieux pressoir de Christian...
Une pièce d'histoire !

Le vin est ensuite entonné, par gravité. Christian n’accorde aucune importance à la provenance des fûts. Pour lui, la seule contrainte est qu’ils soient d’âge, au moins cinq ans. Il ne veut aucun apport aromatique du bois, il ne recherche que des contenants permettant un minimum d’oxygénation. Simplicité et respect du raisin là encore !

Les vins sont ensuite mis en bouteille à la main, par gravité (avec une tireuse à 4 becs) et sans mise en masse. Cela signifie que les mises ont lieu directement depuis les barriques. Un petit mot sur l’utilisation des sulfites pour conclure. Christian cherche à en utiliser le moins possible (pas de soufre du tout sur 2016 par exemple) mais parfois, il préfère en ajouter juste une pincée (1g/hl, parfois 2) lorsqu’il le faut (montée de volatile, tests de tenue à l’air non satisfaisants, …)

La petite cave d'élevage de Christian Rouchier

Vous l’avez compris j’espère, difficile de trouver plus authentique, artisanal, vrai, que les vins de Christian Rouchier. Fou de vignes et complètement en dehors du monde du “vin business”, Christian est un paysan, au sens noble du terme, qui s’applique, année après année, à offrir aux amateurs des vins de haut niveau, si tant est que ces derniers soient prêts à s’affranchir des étiquettes et des notoriétés (parfois surfaites). Ses vins ont donc plus que jamais toutes leurs places sur Buveur de vin. Même si l’on commence à les retrouver ça et là chez les meilleurs cavistes, nous avons été parmi les tout premiers à distribuer les vins en France, avec notamment le restaurant Vantre, à Paris, l’établissement de Marco Pelletier (l’ancien chef sommelier du Bristol).