Philippe Delesvaux

Coteau du Layon, Anjou

Portrait de Philippe Delesvaux, vigneron dans les coteau du layon, en Anjou

Histoire

Tout démarre en 1978, date à laquelle Philippe et Catherine Delesvaux s’installent à Saint Aubin de Luigné, dans les Coteaux du Layon. Il est parisien, elle est Lilloise. Totalement autodidactes, Philippe commence seul à la vigne, sur 3 hectares.

1995, 96 et 97 marquent une trilogie de millésimes magiques, pour l’ensemble des liquoreux de Loire mais en particulier pour les Delesvaux. Ils reçoivent plusieurs fois des notes exceptionnelles de la part de Robert Parker, entre 97/100 et 99/100. Ils sortent alors de “sous le radar” et entrent d’un coup dans l’élite des meilleurs producteurs de liquoreux de la planète, petit club qu’ils ne quitteront plus.

Aux début des années 2000, ils sont aussi de l’aventure Sapros, une association créée par une dizaine de vignerons afin de promouvoir la création de vins moelleux et liquoreux obtenus exclusivement par concentration naturelle en sucres. Des vrais vins moelleux et liquoreux donc, sans chaptalisation, ni cryo-extraction, ni osmose inverse…juste la nature. Les adhérents ne sont pas nombreux (forcément…) et l’association périclite malheureusement assez rapidement mais l’idée est noble et cette philosophie restera quoiqu’il arrive un étendard pour les Delesvaux.

Toujours début 2000, ils plantent une vigne de chenin en franc de pied, démarche quasiment inédite pour l’époque (et même aujourd’hui). Cette vigne se porte bien encore aujourd’hui. Elle sert à la création de la cuvée Authentique, devenue depuis Franc de Pied.

Les Delesvaux se sont également beaucoup battus pour la reconnaissance par l’INAO de la mention ‘Selection de Grains Nobles’ en Coteaux du Layon. Elle finira par arriver à la fin des années 2000.

Aujourd’hui, près de 40 ans après leurs débuts, les Delesvaux sont désormais d’heureux retraités. 2020 restera leur dernier millésime mais le domaine ne disparait pas pour autant, il est désormais entre les mains d’Ombretta et Nils Drost, qui poursuivent ce travail d’une vie avec Philippe en appui pour les épauler si besoin. A suivre donc !

Vignes et pratiques culturales

Le domaine compte 11 hectares de vignes, idéalement nichées entre deux cours d’eau, le Layon (au sud) et le Louet (au nord). 9,5 hectares sont d’un seul tenant, constitués de la réunification de deux clos, le Clos du Pavillon et le Clos de la Guiberderie. Ce sont les clos “historiques” du domaine. La quasi intégralité du clos est bordée de haies bocagères, ce qui constitue un refuge de biodiversité pour la faune et la flore, un point essentiel

Vu sur les Clos, depuis l'arrière de la cave. La parcelle commence derrière le mur en pierre et s'étend jusqu'à la rangée d'arbre au fond. On voit également la haie qui délimite le côté droit
Haie bocagère = vigne "protégée" et refuge de biodiversité

Globalement, le “clos” possède 2 grandes entités de sols différentes. La partie la plus à l’Ouest est essentiellement composée de grès et de poudingues (des galets, pour faire simple…) alors que la partie Est est majoritairement constituée d’altérations de schistes gréseux. Une veine carbonifère traverse le clos d’Est en Ouest. Une ancienne mine de charbon, le site des malecots, a d’ailleurs été en service, jusqu’au milieu des années 60, à proximité du domaine.

Le Schiste carbonnifère...
Chevalement de l'ancienne mine des malécots, à quelques centaines de mètres du domaine.

Les clos sont essentiellement plantés de chenin, complété de quelques rang de Cabernet sauvignon, dont certains plantés très récemment par les Delesvaux. Les vignes sont d’âges très variés, les plus vieilles ont environ 90 ans mais il n’en reste que quelques rangs, tout au bout du clos côté Ouest. La cuvée Feuille d’or et l’ensemble des cuvées de liquoreux sont issues de cet ensemble. C’est la maturité qui guide la destination des grappes pour telle ou telle cuvée plutôt que le sol ou l’âge du cep.

Tout proche des clos, de l’autre côté de la route, deux autres parcelles ont été plantées au début des années 2000. Elles présentent une déclivité assez importante. Orientées plein sud, elles sont bordées d’une petite forêt. Les deux parcelles présentent une unité de sol et de sous-sol: des schistes gréseux et des sables argileux en surface. C’est globalement un sol peu profond, une trentaine de centimètres au maximum et même moins en haut de pente où la roche est quasiment affleurante.

La première des deux parcelles est plantée de cabernet sauvignon, au lieu dit ‘La Montée de l’Épine’, d’où est issue la cuvée éponyme du domaine. C’est en général, des deux cuvées de rouge, la plus structurée. (Toute proportion gardée, les rouges sont ici quoiqu’il arrive assez légers, avec une trame un peu vive)

La Montée de l'Épine
Les sables argileux de surface de la montée de l'Épine. A moins de 50cm en dessous, il y a la roche schisto-gréseuse

La deuxième parcelle est une vigne de chenin, franche de pied, plantée en 2000. La parcelle est en fait separée en deux par un petit talus, la partie la plus haute est la plus pentue, la seconde étant quasiment plate. Les vignes ne paraissent pas avoir près de vingt ans, plutôt moitié moins, avec des bois très fins.

Le Haut de la parcelle, avec une vue plutôt sympa... Le layon coule au loin
Le bas de la parcelle, petit écrin abrité

Les raisins entrent dans l’ancienne cuvée ‘Authentique’, désormais renommée en ‘Franc de Pied’. Ce changement vient du fait qu’apparement, très peu de gens avaient conscience que cette cuvée est issue de vignes franches, ce qui est quand même dommage. En effet, il existe très peu de cuvées issues de vignes non greffées en France. Elles sont généralement vendues assez chères (50 euros, voir plus) car les rendements y sont en général faibles et la durée de vie des vignes plus qu’aléatoire. Suivant les millésimes, cette cuvée oscille entre le sec et le demi sec (il y a toujours un peu de sucres résiduels, autour de 10-15g en général).

Ces quatres grandes entités (Les deux Clos, Montée de l’Épine et “Authentique”) constituent un ensemble cohérent, un véritable ilot, un écosystème isolé et protégé, notamment d’éventuels voisins (et de leurs traitements chimiques associés). Ils possèdent enfin deux parcelles en fermage, un peu plus loin sur la route d’Ardenay, qui représentent environ un demi hectare et qui entrent intégralement dans les deux cuvées de rouge.

Les vignes sont travaillées suivant les préceptes de la biodynamie depuis plusieurs dizaines d’années. Les vignes et les vins sont certifiés par le label Demeter.

Concrètement et pour faire simple, ça signifie que les vignes et les vins ne reçoivent aucun produit phytosanitaire (insecticides, desherbants, engrais) autre que du soufre et du cuivre. Les préparats biodynamiques ne sont pas achetés, ils sont faits maison avec un groupement d’agriculteurs voisins. Des decoctions et des tisanes de plantes (ortie, valériane…) sont également utilisées.

Les préparations sont faites au domaine

Le sol est travaillé en surface sous le rang et un enherbement naturel maitrisé est maintenu dans l’inter-rang, tout ceci dans le but d’inciter la vigne à s’enraciner plus profondément dans le sol. Un ébourgeonnage / éclaircissage à généralement lieu vers le mois de mai, afin de contrôler les rendements, limiter les entassements de végétation et faciliter la taille de l’année suivante. Les vignes sont palissées jusqu’à hauteur d’homme environ et sont donc légèrement rognées si besoin. Un effeuillage mécanique par soufflerie, généralement sur les deux faces, a lieu au cours de l’été.

Le 1er tracteur de Philippe, acheté au début des années 80 et toujours en service.
Des sols travaillés

A la Cave

Les vinifications et les élevages ont lieu dans un bâtiment technique où l’on voit bien que la praticité prime sur la recherche du “beau”. C’est un hangar isolé, avec une belle hauteur de travail et qui combine les fonctions de chai de vinification, d’élevage et de lieux de stockage en bouteille. A l’image des installations et comme pour beaucoup de grands vignerons, le travail à la cave se réduit en fait… au minimum. Quand les raisins rentrés sont beaux, le travail est tout de suite plus simple !

Les cabernets sont égrappés, placés en cuve fibre et fermentent sans aucun ajout (ni sucre, ni levure, ni azote assimilable) pendant une quinzaine de jours. L’élevage se fait également en cuve. La mise a lieu au printemps, sans collage ni filtration.

Le domaine produit deux cuvées de rouge, en appellation Anjou, Le Roc, un 100% Cabernet Franc et La Montée de L’Épine, 100% Cabernet Sauvignon.

Vue du chai. Pas besoin de grandes installations pour faire de grands vins
Barrique de Sélection de Grains Nobles, un barboteur est installé sur la bonde

Le pressurage des blancs est en général assez rapide, environ deux heures, mais à pression modérée, avec un pressoir horizontal à vis. Il n’y a bien évidement aucun ajout pour la fermentation, qui se déroule à son rythme et sans aucun intrant et donc notamment sur levures “indigènes”. Certains moûts sont pourtant incroyablement riches, avec des degrés potentiels parfois supérieurs à 25°, ce qui est milieu plutôt “hostile” pour une très grande majorité de levures.

Les liquoreux non enrichis artificiellement sont finalement assez rares aujourd’hui dans la production mondiale où tous les moyens sont bons pour faire grimper le taux de sucre des moûts. Chaptalisation, cryo-extraction, évaporation sous vide, osmose inverse… autant de procédés d’enrichissement sur lesquels on ne va pas s’attarder ici mais qui bien sûr n’ont pas droit de citer au domaine. Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet particulièrement tabou. Par exemple, la cryo-extraction (ou cryo-sélection) n’est pas considérée comme une méthode d’enrichissement par les institutions mais comme une trie supplémentaire. Voilà qui est particulièrement commode pour beaucoup, quand on sait que la majorité des appellations n’autorisent qu’une seule méthode d’enrichissement. On peut donc aisément coupler cryo-extraction avec une autre méthode…Quoiqu’il en soit, ce débat sur l’enrichissement “artificiel” est vaste, à chacun de se faire son propre choix.

Philippe et Catherine Delesvaux ont fait le leur. Ils se sont battus toute leur vie pour une vraie reconnaissance des liquoreux non enrichis artificiellement, notamment via Sapros puis via la création de l’appellation Coteaux du Layon “Sélection de grains nobles”. Inutile donc de leur demander ce qu’ils en pensent !

Le domaine produit jusqu’à six cuvées de blancs différentes, deux de sec ou demi-sec et quatre de liquoreux. Pour toutes les cuvées, un tout petit peu de soufre volcanique est ajouté à la mise, seul intrant de tout le processus.

  • La cuvée Feuille d’Or, en appellation Anjou. Généralement sec (pas de sucres résiduels), elle affiche souvent une matière grasse et une maturité assez poussée qui lui offre de la gourmandise. Les raisins entrant dans cette cuvée sont issus des deux Clos. Elevage en barrique non neuves pour une durée de 18 mois. Cette cuvée, atypique, est proposé à la vente ici.
  • La Cuvée Franc de Pied (Ancienne Cuvée Authentique), 100% chenin, qui comme son nom l’indique est issue d’une vigne Franc de Pied (sans porte greffe) plantée en 2000. L’élevage a lieu en barriques non neuves et dure 18 mois.
  • La cuvée Passerillé, en appellation Coteaux du Layon, issue comme son nom l’indique de raisins passerillés (certaines choses sont bien faites…). Elle est élevée en cuve avec une mise au printemps suivant la récolte, avec juste un poil de soufre volcanique (comme pour toutes les cuvées). Cette cuvée n’est pas proposée à la vente sur le site.
  • La cuvée Les Clos, en appellation Coteau du Layon Saint Aubin, issue de raisins à la fois passerillés et à la fois botrytisés (en général 50/50). L’élevage à lieu en barrique de plusieurs vins, pendant 18 mois. En restant le plus objectif possible, c’est un rapport qualité/prix assez dingue pour un liquoreux de cette qualité, vu les conditions d’élaboration. Une “porte d’entrée” idéale pour découvrir les vins et le style des Delesvaux que vous pouvez vous procurez ici.
  • La cuvée Sélection de Grains Nobles, issue de raisins entièrement botrytisés et élevée 24 mois en barriques non neuves. Cette cuvée, issue de la 1ère trie et qui affiche régulièrement autour de 220 grammes de sucres résiduels (grosso modo le double d’un château Yquem, juste pour donner un ordre d’idée…) n’est véritablement créée que les meilleures années. Elle n’est pas sortie en 2012, 2013, 2014 par exemple, et ne sortira pas en 2016, malgré tous les efforts de Philippe qui aurait aimé sortir une “SGN” dans ce millésime pour la naissance de sa petite-fille. La qualité prime avant tout !

En année véritablement exceptionnelle, une cuvée spéciale est créée, la cuvée Anthologie. Elle est la quintessence du chenin botrytisé, un des meilleurs liquoreux du monde, tout simplement. Le millésime 2010 de cette cuvée existe et est disponible à la vente ici. Ce sera probablement la dernière Anthologie de Philippe, la précédente date de 1997…

Les différentes cuvées à la vente actuellement