Léah Anglès


Léah Anglès


Dans la vie, certaines rencontres semblent orchestrées par le destin lui-même. Léah Anglès n’imaginait pas ces rencontres et encore moins que le destin avait prévu une vie de vigneronne pour elle. Issue d’une famille sans lien avec le monde agricole ou viticole, elle entreprend des études de chimie à Montpellier avec l’ambition de faire carrière dans l’industrie pharmaceutique. Cependant, très vite, elle se rend compte que la réalité du secteur ne correspond ni à ses attentes, ni à ses valeurs. Pour l’instant, le vin ne fait pas partie de sa vie, elle n’est pas vraiment passionnée, ni même une consommatrice régulière.
– Je ne m’intéressais pas plus que ça au vin à l’époque – Léah Anglès
À la surprise totale de son entourage et sans qu’elle ne puisse réellement l’expliquer de manière cartésienne, Léah décide alors de rapidement se réorienter vers un Diplôme National d’Œnologie (DNO). Est-ce le destin qui, insidieusement, prend les choses en main pour la première fois? Peut-être…
Le deuxième coup du destin survient quelques semaines plus tard, lors de sa formation en œnologie. Léah, totalement par hasard, fait la rencontre de Philippe Gard, le propriétaire du domaine de la Coume del Mas. Ce vigneron expérimenté détecte son potentiel et décide de la prendre sous son aile. Une rencontre déterminante.
– Tiens, je te donne ces quelques caisses de raisin, amuse-toi avec ça ! – Philippe Gard
C’est d’ailleurs sous la tutelle bienveillante de Philippe Gard que Léah créera son tout premier vin, presque par accident. En 2016, alors que les vendanges touchent à leur fin et que toutes les cuves sont pleines, Philippe, qui sait parfaitement ce qu’il fait, lui propose, l’air de rien, de faire sa première vinification avec quelques caisses qui « trainent ». Ainsi né “OPA”, le premier-né des vins de Léah, produit à quelques centaines de bouteilles seulement et réservé alors au cercle familial et amical. Le nom “OPA” n’est pas anodin. Il signifie “grand-père” en allemand, un clin d’œil aux origines métissées de Léah, à la fois malgache et allemande. Cette première expérience sera le catalyseur de sa vocation naissante.

Forte de cette première expérience, Léah décide de se lancer pleinement dans l’aventure viticole. Elle continue de travailler à la Coume del Mas mais dès 2017, elle crée sa première « vraie » cuvée : Divay. Ce nom, qui signifie “vin” en malgache, est un hommage à ses racines et marque le début officiel de son parcours de vigneronne indépendante. 2022 marque l’étape majeure de son développement. Léah part de la Coume del Mas et prend véritablement son envol en solo en vinifiant son premier millésime en totale indépendance.

Aujourd’hui, le domaine de Léah Angles s’étend sur 5,5 hectares de vignes disséminées tout au long de l’appellation Collioure, en démarrant sur la commune de Collioure, passant par Cosprons, Banyuls et allant jusqu’au village situé le plus sud de l’hexagone, Cerbère. Cela lui permet d’avoir une belle diversité de terroirs même si le schiste reste toujours le dénominateur commun. Cette diversité géographique se reflète également dans l’encépagement du domaine. En rouge, Léah travaille aujourd’hui la Syrah, le Grenache et le Carignan. Pour les blancs, elle a récemment opéré un changement puisque jusqu’en 2022, elle travaillait avec du Grenache gris, mais à partir de 2023, ce sera du Grenache blanc. Son blanc est aujourd’hui totalement confidentiel mais des plantiers entreront bientôt en production ce qui devrait permettre d’augmenter un tout petit peu les volumes sur cette couleur.

Léah travaille énormément dans une démarche parcellaire, pour toutes ses cuvées en fait sauf Opa qui pour le coup est à la fois un assemblage de parcelles mais aussi de cépages (le Grenache et la Syrah en l’occurence). Opa a également une autre particularité puisqu’elle est partiellement issue d’une parcelle située sur « un plat » (pas en coteaux donc…). Autrefois délaissés et/ou réservés aux vins moins qualitatifs, ces terroirs bénéficient d’un regain d’intérêt suite à la météo des derniers millésimes, notamment sur la contrainte du manque d’eau, qui semble devenir une tendance lourde et une problématique profonde dans cette région qui semble carrément même basculer en voie de désertification.

Ces terroirs enclavés dans des vallées affichent des profondeurs de sols un peu plus importantes, et des réserves hydriques à l’avenant. De plus, contrairement aux coteaux où le travail du sol pour juguler l’enherbement peut relever du travail de forçat, ils sont plus facilement mécanisables (labourables) ce qui est un atout majeur en bio où le désherbage chimique est évidement interdit. Les rendements, même s’ils restent beaucoup plus faibles que dans nombre d’autres régions, y sont généralement un peu plus viables économiquement parlant, autour de 25 hecto à l’hectare (contre moins de 10 hectos dans sa parcelle de Grenache de Cerbère donnant la cuvée Éléphant Blanc par exemple). De plus en plus de (bons) vignerons intègrent des « plats » dans leur parcellaire; une tendance qui s’inscrit dans une réflexion long terme sur l’avenir même de la viticulture en pays catalan.

– Comme un assaisonnement, comme un poivre – Léah Anglès
La cuvée Divay, elle, est élaborée à partir d’une parcelle de 60 ares de pur grenache. Si on veut être parfaitement juste, il y a deux parcelles mais elles ne sont séparées que par une route et la géologie et l’orientation des parcelles sont les mêmes. Une partie de la vendange est égrappée, une autre non mais surtout, Léah ajoute, dans la cuve en fermentation, des rafles supplémentaires de Syrah (juste la rafle, sans les raisins) qu’elle fait préalablement sécher au soleil. Dans l’esprit d’un chef qui vient, par touches discrètes, assaisonner son plat. Un peu comme un poivre, un condiment. Cette technique originale apporte une complexité supplémentaire au vin

Léah possède également un îlot de vigne au lieu-dit El Rimbau, sur la commune de Collioure. C’est également ici que Rié et Hiro du Domaine Pedres Blanques ont leurs vignes (elles sont situées un peu plus haut). Dans le bas et à l’abri du soleil couchant, on trouve le Grenache qui rentre dans la cuvée Opa. On a ici un sol plus poussant, plus profond. Sur le petit plateau, on est beaucoup plus proche de la roche mère (il n’y a pas plus de 20cm de sol sur la terrasse la plus haute). C’est un vieux Carignan qui s’épanouit ici et il donne naissance à la cuvée Pilgrim. Cette dernière cuvée tire son nom du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle qui passe à travers la parcelle (Pilgrim veut dire pèlerin en anglais au cas où vous l’ignoriez)

Bien que son domaine ne soit pas certifié en agriculture biologique, Léah adopte une approche respectueuse de l’environnement. Les sols sont travaillés, il n’y a pas de désherbage chimique. Sur environ 1/4 des parcelles, elle peut utiliser le chenillard ou le cheval mais pour les 75% restant, tout se fait à la main (à la pioche et/ou à la débroussailleuse). Elle utilise également des tisanes et décoction de plantes ainsi que des huiles essentielles en plus des habituels soufre et cuivre pour les traitements à la vigne où tout est fait à l’atomiseur à dos. Des essais d’engrais verts sont menés dans sa parcelle de « plat ». Également au rang des expérimentations, Léah teste le compost des sarments pour enrichir ses sols, une alternative à la pratique traditionnelle du brûlage encore très répandue à Banyuls (et ailleurs…)

– Oui, c’est pas mal ici… – Léah Anglès
L’une des parcelles préférées de Léah se trouve au cœur de l’Anse des Paulilles, un parc naturel protégé qui fait face à la méditerranée, entre entre Port Vendre et Collioure. Elle a planté ici en 2023 du Grenache blanc et de la Marsanne sur 30 ares, avec 20 ares supplémentaires à planter. C’est un lieu chargé d’histoire (il abritait autrefois une dynamiterie créée par Alfred Nobel) mais surtout un terroir superbe et préservé, avec pour seuls voisins la mer et la table de pique-nique en bois qu’elle a installé pour profiter des couchers de soleil après le travail.

Mais ce petit coin de paradis a nécessité un travail titanesque : “C’était totalement à l’abandon. Il a fallu déboiser une bonne partie et surtout refaire toutes les terrasses”, se souvient Léah. Les plantiers, ces jeunes vignes, représentent un défi supplémentaire en raison des faibles précipitations de ces dernières années. Une partie importante ne s’est pas du tout enraciné et Léah devra donc recommencer sa plantation prochainement avant de penser à planter le reste.

Son approche de la vinification, à la fois rigoureuse mais avec une touche d’innovation (ou en tout cas d’originalité) lui permet de créer des vins qui sont à la fois l’expression fidèle de leur terroir et le reflet de sa personnalité. Bien qu’elle s’inscrive dans la mouvance des vins « natures » (si tant est que cela veuille dire quelque chose (bon vous avez compris l’idée je pense)), Léah reste œnologue de formation et elle apporte un soin particulier à la vinification de ses raisins, parce qu’ils ont été durement obtenus.
– Je veux pas faire de glouglou – Léah Anglès
Suivant la même logique, elle ne cherche pas à faire des vins ‘glouglou’, des ‘canons’. Léah ne critique pas ses vins là, pas du tout, elle les aime aussi et en boit, de ces vins « faciles ». Mais le terroir catalan n’est pas facile. Les terres sont dures à travailler, il y a de la pente, du caillou, le soleil est intense, l’eau est rare, les maturités poussées, les rendements très faibles…Même si aucun terroir n’est facile, les raisins ont le salaire de la sueur ici, peut-être plus que partout ailleurs en France et d’une manière ou d’une autre, cela doit se retrouver dans la bouteille. Et c’est toujours dans cette logique que Léah s’engage avec force dans la défense de l’appellation Collioure. À l’heure où ces dernières (les appellations (et l’INAO de manière générale)) sont de plus en plus critiquées (non pas sans raison parfois), Léah elle ne se voit pas proposer ses vins en Vin de France. Tout n’y est pas parfait (rien ne l’est..) mais ce terroir, aussi incroyable qu’historique, mérite d’être défendu dans ses spécificités et pour elle, l’appellation reste le meilleur moyen. Le plus logique en tout cas.

Les différents vins de Léah Anglès actuellement disponibles
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Anglès Léah – Divay 2023
30,00€ -
Anglès Léah – L’Éléphant Blanc 2023
34,00€ -
Anglès Léah – Opa 2023
26,00€ -
Anglès Léah – Opa 2023 (Magnum)
55,00€ -
Anglès Léah – Pilgrim 2023
34,00€