DLC
Dom. Léandre-Chevalier
Côtes de Blaye
DLC
Dom. Léandre-Chevalier
Côtes de Blaye
Un (petit) bout d’histoire
Léandre-Chevalier, c’est un patronyme. Celui d’une famille girondine installée depuis plus de cent ans, à Anglade, une commune située à moins de 10 kilomètres à vol d’oiseau de Pauillac, mais de l’autre coté de la Gironde (ce qui signifie qu’il faut donc compter une bonne heure et demi pour faire le trajet en voiture…). Nous sommes ici en plein coeur des Premieres Côtes de Blaye, qui sont littéralement les premieres côtes (comprendre les premiers vallons), que l’on peut apercevoir lorsque l’on s’engage dans l’estuaire de la Gironde. Les Léandre-Chevalier y cultivent la vigne depuis « toujours ». Ils y sont également pépiniéristes mais surtout prestataires en traction animal pour les autres viticulteurs du coin. Ils labourent les vignes à l’aide de chevaux. Etymologiquement, Léandre-Chevalier signifie d’ailleurs « L’Homme Cheval ».
C’est en 1985 que l’histoire dont je vais vous parler, celle de DLC, débute. Le père de Dominique Léandre-Chevalier meurt, dans son chai, asphyxié par les rejets de gaz carbonique des cuves en fermentation. Dominique n’a alors que la vingtaine. Il connait la vigne et marche déjà derriere la charrue et le cheval comme son père avant lui mais n’a jamais vinifié de sa vie. Pourtant, il va falloir se lancer pour faire perdurer l’héritage familial. Dominique decide de le faire, mais à sa manière. Et sa manière, le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est pas vraiment celle des autres….
Sa première décision : se séparer de près de 90% des parcelles de la famille pour ne garder qu’environ 1,5 Ha pour commencer, dans l’objectif de faire des grands vins aussi de ce côté de la Gironde et surtout de le faire proprement. Dominique sait ce qu’il veut et a une détermination à toutes épreuves. Provocateur et rebel jusqu’à l’excès pour certains, anticonformiste et avant gardiste sûrement, il souhaite surtout s’affranchir des normes, surtout celles des appellations, et tracer son propre chemin, avec des convictions fortes. Ses 35 vendanges passées à la tête du domaine seront jalonnées d’anicroches et même de quelques procès; avec l’AOC d’abord, qui lui refuse (temporairement) l’agrément après qu’il ait planté la premiere vigne à très haute densité de l’appellation (10 000 pieds/Ha, le double de la norme alors admise) ou qui s’offusque de l’utilisation sur une étiquette de la mention Bordeaux Inférieur (au lieu du très connu Bordeaux Supérieur) pour son vin issu de vignes de l’ile de Patiras (un banc de sable dans la gironde qui est effectivement situé sous le niveau de la mer (d’où le nom)); mais aussi avec un domaine en biodynamie célèbre de Vosne-Romanée qui juge que l’acronyme de son domaine (composé de ses propres initiales (DLC)) trop proche du sien; avec une grande maison de Cognac qui lui conteste l’utilisation d’un centaure sur l’étiquette car eux même affiche un centaure comme emblème (pas le même évidement)). Une dernière brouille, avec l’entrepositaire de ses vins, sera fatale à la destinée du domaine qui s’effondre tel un chateau de cartes en quelques semaines. Dominique perd tout en 2018, ses vins, ses vignes, son nom…sa vie, en somme.
Aujourd’hui, Dominique n’est plus légalement à la tête de « son » domaine, celui qui porte son nom. Un mécène, fan de la première heure, a tout repris, l’actif comme la dette et a décidé de faire (re)vivre ce patrimoine viticole. Dominique a pu rester vivre dans la maison historique familiale d’Anglade, celle qui jouxte le chai et les vignes et tout (TOUT !) est aujourd’hui géré comme le faisait Dominique avant. Dom. Léandre-Chevalier (comprenez Domaine ou Dominique, c’est vous qui voyez…) profite de sa seconde vie. Et nous aussi !
La Vie à la Vigne
L’axe le plus fort de Dom. dans la conduite du vignoble, c’est la densité de plantation. Enfin, la très haute densité de plantation je devrais plutôt dire. Pour lui, c’est un sacerdoce; c’est ce qui rend les vins uniques. Les 3,2 hectares du domaine sont aujourd’hui plantés suivant 3 densités : 5500 pieds / hectare (la densité classique de l’appellation), 10 000 pieds / hectare et enfin, 33 000 pieds / hectare. Plutôt que de classer les vins par type de sous-sol (ce qui est la démarche de 99% des vignerons qui font du parcellaire), le domaine juge plus opportun de classifier ses vins suivant la densité de plantation des vignes. La cuvée Le Gentilhomme (ex Le Queyroux) et les blancs sont issus de vignes plantées à 5500. Le Joyau, est lui issu de vignes à 10 000 et il existe enfin une serie de cuvées parcellaires, monocépage, issues des plantations à 33 000 pieds/hectare.
Sur les parcelles à très haute densité, la charge par pied est minuscule. Il n’est pas rare en se baladant dans son petit Verdot à 33 000 pieds / ha de ne voir qu’une seule grappe par cep. Pratiquement aucun cep ne porte plus de 3 grappes. Sur les parcelles a 10 000 pieds, la charge est un peu plus importante (entre 4 et 7 grappes) mais reste faible en comparaison des vignes plantées suivant la « norme » des 5500 pieds. Des essais ont été menés avec des densités encore supérieures mais cela n’a pas été concluant, la vigne souffrait trop (une bonne vigne est une vigne qui souffre, mais juste ce qu’il faut…)
L’autre axe extrêmement fort de la conduite de la vigne chez DLC, c’est le rognage. Un rognage effectué très (très) court. Un procédé complétement à contre-courant, la « mode » actuellement étant plutôt au non-rognage (les vignes tressées fleurissent d’ailleurs un peu partout en France (et c’est joli en plus, enfin, je trouve…)). Un moindre traumatisme pour la vigne (qui s’auto-régule naturellement) et une plus grande surface foliaire (permettant une meilleure photosynthèse) sont les arguments principaux avancés par ceux qui le pratique (le non-rognage).
Dom. lui, aime (aimait) donc rogner très court, ce qui ne manque pas de m’étonner et je lui en fait donc part…Pour lui, l’argument de la surface foliaire ne tient pas. Vu la charge (la quantité de raisins) portée par les ceps, il ne suffit que de quelques feuilles pour avoir une photosynthèse suffisante. Un argument qui peut effectivement s’entendre, surtout pour les parcelles à très haute densité où, nous l’avons vu, la charge est effectivement extrêmement faible. Il ajoute que c’est bénéfique pour la plante qui ne s’épuise pas à faire des feuilles et du bois et qui garde son énergie et ses nutriments pour faire mûrir ses raisins. Il conclut enfin en disant que de toute façon, les feuilles portées par des sarments non aoutés (non lignifiés, encore verts donc) ne participent que très faiblement à la photosynthèse. Ce sont les feuilles portées par des bois aoutés qui contribuent à l’essentiel, il ne sert donc à rien d’avoir des mètres et des mètres de sarments verts.
La recherche de biodiversité est une démarche constante. Beaucoup de parcelles sont entourées de bois, ce qui permet également de s’isoler des voisins (et de leurs traitements). Des haies et des arbres fruitiers sont également plantés lorsque c’est possible et des nichoirs sont installés, toujours dans cette optique d’accueillir une faune et une flore plus variées et rompre avec les « océans » homogènes de vignes.
Les cépages présents chez DLC sont exclusivement rouges : du merlot, du cabernet sauvignon, du cabernet franc et du petit verdot. Pour autant, il y a plusieurs cuvées de vins blancs. Un peu de sauvignon est acheté, pour la cuvée Amphore notamment qui est un micro volume (et pour une autre cuvée non proposée ici). Tous les autres (Le Flatteur, Blanc de Noirs Cuve et Blanc de Noirs Fût) sont des blancs de noirs, issus donc de presses directes des cépages rouges appartenant au domaine. On retrouve donc des blancs de Cabernet Sauvignon, de Merlot ou d’un assemblage des deux. Une pratique totalement exceptionnelle (je ne connais pas d’autres blancs de Merlot personnellement, je ne suis pas sûr qu’il en existe ailleurs…)
Du raisin au vin
En cave, on retrouve là aussi une pratique atypique (un adjectif plutôt récurrent, lorsque l’on parle de Dom.) concernant les rouges. Les vinifications se font majoritairement en très petits contenants, en l’occurence dans des barriques bordelaises, qui sont placées debout et dont un des fonds est ôté, pour accueillir la vendange. Les extractions (pigeages) se font à la main et de manière très douce, contrôlée et surtout, à la carte en fonction du style recherché ou de la vendange rentrée. Les montées en température sont également beaucoup plus faibles et mieux contrôlées (moins d’inertie). Dom. aime faire l’analogie avec la cuisine. Aucun grand chef ne cuisine dans de grands bacs ou d’immenses casseroles, un restaurant étoilé n’est pas une cantine scolaire et clairement, on ne cuisine pas de la même façon lorsqu’on le fait pour 5 personnes ou pour 500. Aymeric Paillard, dans le Rhône, est le seul autre vigneron que je connaisse qui utilise cette technique.
Le choix des dites barriques, utilisées ensuite pour l’élevage (un tonnelier passer remettre les fonds otés) est fait avec un soin extrême. Un cahier des charges très détaillé est rédigé chaque année pour spécifier les essences de bois et les chauffes attendues, en fonction du millésime. Toutes les vinifications se font en levures indigènes. L’ensemble des vinifications et des élevages se déroule dans un petit chai attenant à la maison de Dominique. DLC est toujours un domaine familial.