Marie-Lise & Thomas Batardière


Marie-Lise & Thomas Batardière


Avant Propos : Marie-Lise et Thomas Batardière vivent dans le département du Maine-et-Loire, à une quinzaine de kilomètres au Sud d’Angers. Aucun des vins proposés par le couple ne possède l’appellation d’Origine Contrôlée Anjou (ni aucune autre AOC d’ailleurs)). Marie-Lise et Thomas Batardière produisent exclusivement des VSIG, des Vins sans Indication Géographique, plus communément appelés Vins de France qui, par définition et pour être clair, peuvent donc être, au regard de la loi, originaires de n’importe où en France
Les Débuts
Thomas Batardière débute sa carrière dans le vin à la fin des années 2000. Il passe alors un Brevet Professionnel Responsable d’Exploitation Agricole (BP REA pour les intimes), à Beaune. Il travaille également avec Mathieu Vallé au château Yvonne, à Saumur. Il y restera 3 ans.
2011-2012 : Cela fait un moment que l’envie de s’installer à son compte est là et Thomas saute le pas. Il trouve alors quelques ares de vieilles vignes dans son village natal. Et en plus, c’est du chenin! Il ne le sait pas encore mais quelques années plus tard, ce sera devenu une vraie rareté !
Dès le début, il est clair que pour lui son vin se fera le plus naturellement possible: pas de pesticides, pas de désherbant, pas de traitement systémique dans les vignes; et dans la cave, seul du raisin (sain) à droit de citer. La certification du domaine en agriculture biodynamique est donc débutée.
L’année qui suit, Thomas trouve d’autres parcelles de chenin. Il plante également de la vigne, du chenin toujours et un peu de grolleau. Puis, en 2014, il récupère une très vieille parcelle de cabernet franc, en plein coeur du bourg, parcelle qu’il finira par revendre quelques millésimes plus tard
En 2015, il obtient sa certification par Demeter et commence à travailler dans sa nouvelle cave, située sous sa maison. Désormais bien installé et satisfait de son parcellaire et de sa surface de travail (4 hectares) Thomas ne prévoit plus d’expansion. Il souhaite rester un « artisan-vigneron », être seul, travailler ses vignes comme il l’entend et faire des vins qui lui ressemblent. Des vins vrais.
Vignes et pratiques culturales
Marie-Lise et Thomas Batardière possèdent donc 4 hectares de vignes, majoritairement plantée en chenin. Le domaine et les vins sont en agriculture biodynamique sous certification Demeter, l’organisme de contrôle le plus strict. Pour faire simple, cela veut dire que tout est en bio est donc qu’ils n’utilisent ni pesticide, ni désherbant, ni produit systémique à la vigne et qu’en cave, le seul intrant autorisé est le soufre (à dose très réduite). Il utilise également des préparats biodynamiques (préparation 500 et 501, tisanes de plantes) et travaille en fonction du calendrier lunaire.
Je vous invite à un petit tour d’une partie de son vignoble et on commence avec une première parcelle de chenin que Thomas appelle « La Croix Hardie ». Sa superficie est de 0.8 hectares (8000 m2) et les vignes ont une trentaine d’années.

Le sol y est assez profond, avec en surface des sables légèrement caillouteux et à tendances argileuses. Plus en profondeur, une veine d’argile traverse la parcelle.

C’est une parcelle qui présente une très bonne réserve en eau, un atout en millésime chaud mais qui à l’inverse nécessite de l’attention et un traitement particulier en millésime plutôt humide, sous peine de voir la vigne devenir trop vigoureuse. L’objectif d’un bon vigneron est toujours de trouver le bon équilibre de vigueur, une vigne doit toujours « souffrir » un peu. Trop vigoureuse, elle fera beaucoup de bois, beaucoup de feuillage (la vigne est une liane) mais ne fera pas de meilleurs raisins. Dans cette vigne, le couple laisse donc toujours un couvert végétal, parfois assez haut même (il est ensuite couché en été), un rang sur deux afin de créer une concurrence à la vigne pour les réserves en eau. Il envisage désormais de le faire dans tous les rangs.

Marie-Lise et Thomas ne possèdent pas de voisin sur cette parcelle, c’est toujours un avantage lorsque l’on est en bio (et même en biodynamie en l’occurence) de ne pas risquer de se faire « polluer » par les traitements d’éventuels voisins en chimie. Une petite friche (environ 3500m2) est accolée à la parcelle et le couple hésite encore quant à son devenir. D’un côté, il aimerait bien l’arracher pour planter (de la vigne bien sûr) mais, en même temps, il apprécie d’avoir cette friche qui constitue un joli refuge de biodiversité, si important dans une monoculture comme peut l’être la vigne. A suivre donc…

Le parcellaire du couple est majoritairement concentré autour de leur lieu de vie et il ne faut parcourir que quelques centaines de mètres pour arriver aux prochaines parcelles. Marie-Lise et Thomas possèdent ici 3 parcelles, très proches les unes des autres mais qui ne sont pas d’un seul tenant. L’âge des vignes varie ici de 30 à plus de 80 ans. Ces 3 parcelles sont implantées grosso modo sur un sol et un sous sol identiques : des sables gravelo-caillouteux, sur argiles (Un sol assez proche de celui de la Croix Hardie, mais moins profond). Malgré cette unité de sol (et d’exposition), les 3 parcelles ont chacune leurs caractéristiques propres mais se complètent mutuellement

Les vignes les plus âgées sont issues d’une sélection massale créée spécialement pour faire des liquoreux. Les grappes y sont plutôt petites mais denses, avec des grains serrés (ce qui favorise l’apparition du Botrytis) et surtout montent très haut et très vite en degrés.

Les années le permettant (lorsque le botrytis s’installe assez tôt), ces « vieilles mamies » comme Thomas les appelle servent à la création de liquoreux. Les autres années, elles apportent le gras et le volume pour une cuvée de sec. Les deux autres parcelles offrent elles des jus plus droits et sont donc de parfaites candidates à des jus plus acides pouvant fournir une structure à ces même vins secs. Une démarche intéressante et qui permet surtout de se rendre compte qu’un terroir, ce n’est pas qu’une localisation et un sol, beaucoup d’autres paramètres entrent en jeu (en premier lieu le matériel végétal évidement).


Une autre parcelle de chenin en production est située sur l’autre rive de l’affluent qui traverse son village. Thomas appelle l’endroit « Les Cocus » mais je n’ai pas la raison de l’origine de ce nom… C’est en tout cas un super terroir, d’un peu moins d’un hectare, où la vigne a été plantée à la fin des années 1950.

La profondeur de sol ici est très faible, de l’ordre de 50 cm, ce qui est beaucoup plus faible que dans les autres parcelles. C’est un sol avec beaucoup de schistes de diverses origines et périodes (sédimentaires et métamorphiques). A noter également la présence de phtanite, une roche sédimentaire siliceuse, que l’on retrouve également dans certaines parcelles de Pierre Ménard et Benoit Courault. Un sol très riche et complexe donc, marqueur des grands terroirs viticoles.


Du raisin au vin
Marie-Lise et Thomas aiment bien vinifier en petits contenants, des cuves inox en l’occurence. Ils les ont installé dans leur petit chai situé sous la maison. L’inox est un matériau qu’ils apprécient notamment pour sa neutralité aromatique et sa facilité d’entretien (ce qui signifie aussi une meilleure hygiène). Étant donné les petits volumes travaillés, ils n’ont pas le problème de gestion de la température de fermentation. En effet, sur des gros volumes, cela peut être un handicap de travailler en cuves (en) inox sans gestion de température, mais ici les dynamiques fermentaires sont quoiqu’il arrive assez faibles et les températures sont donc loin de s’emballer. Ça tombe bien parce que le couple aime bien vinifier à température assez basse, même les rouges, pour garder un profil aromatique plus frais et plus proche du raisin. Toutes les fermentations se font en levures indigènes et sans aucun intrant.
Après avoir utilisé un peu le bois comme contenants d’élevage à ses débuts, Thomas a ensuite fait machine arrière pour ne plus vinifier que dans des cuves inox. Il effectue alors un gros travail sur les lies et les soutirages, la gestion de l’oxygène aussi afin de créer une complexité et une « micro-oxygénation ». Depuis quelques millésimes, Marie-Lise et Thomas ont de nouveau ré-introduit des contenants bois pour leurs élevages, notamment pour les cuvées Les Cocus et Les Nöels de Montbenault. Par contre, ils utilisent très majoritairement des très gros contenants (des foudres) pour limiter au maximum l’apport aromatique du bois tout en gardant l’aspect oxygénation lente et contrôlée qui les intéresse énormément.
Si possible, le couple n’utilise pas du tout de soufre durant tout le processus de vinification, toujours en jouant avec les quantités de lies conservées et les soutirages. Ils n’en font pas un dogme pour autant, s’il faut en mettre un peu (du soufre), ils le feront, mais il y a toujours une part de satisfaction lorsqu’ils sortent un vin sans soufre. Quoiqu’il arrive, leurs vins présentent toujours des taux de soufre très bas, inférieurs aux limites légales de plusieurs ordres de grandeurs (3, 4 voire 5 fois moins). Les vins ne sont pas collés et certains (pas tous) sont très légèrement filtrés.
Marie-Lise et Thomas n’appliquent pas de « recettes » toute faites en cave et s’adaptent toujours au profil du millésime. Parfois, certaines cuvées ne sont carrément pas créées. Cette démarche de ne pas avoir de « schéma pré-établi » millésime après millésime leur permet de toujours bien être à l’écoute de leurs vignes et du climat de l’année. Cela permet aussi d’être plus attentif, complètement à l’écoute. Et puis ça permet de casser un peu la routine! Le couple aime bien d’ailleurs s’essayer à des choses nouvelles en vinification, toujours dans cette optique de rester « plus alerte », comme des essais de macération sur les blancs (jamais vraiment commercialisés) ou des bulles de grolleau rosé (cuvée Ultraviolet)
Les Vins de Marie-Lise et Thomas disponibles
Même si elles constituent la plus grande part de son parcellaire, Thomas ne possède pas que des vignes de chenin. Il possède également du grolleau et du cabernet franc. Sa parcelle de cabernet est remarquable, déjà de part sa situation géographique, à quelques dizaines de mètres du bourg mais surtout de par son âge. En effet, même si personne n’a véritablement la date de plantation, on peut affirmer avec une bonne certitude que les vignes sont centenaires. Les raisins issus de cette parcelle permettent la création d’une seule cuvée, qui porte le nom de l’endroit : Le Clos des Noëls (Je ne propose à la vente que peu de cabernet d’Anjou, par goût purement personnel, mais je suis très content de proposer cette cuvée)

Le sol est ici assez atypique pour la région, puisqu’il s’agit d’altération de roches métamorphiques, principalement des métagrauwackes (pour être précis et pour les plus pointus en géologie). C’est un type de sol que l’on croise rarement, dont la création est extrêmement ancienne puisqu’elle date du Précambrien (le Précambrien, c’est la période de temps située entre la formation de la Terre (il y a 4,5 milliards d’années) et -500 millions d’années (grosso modo…)). En termes plus pratiques, des métagrauwackes, ce sont des grès, pauvres en quartz mais riches en feldspath et surtout en argile. C’est donc un sol qui présente des réserves en eau mesurées mais généralement suffisantes, et qui est donc plutôt bien adapté au cabernet franc.

La parcelle est minuscule, seulement 20 ares (2000m2). Thomas y a complanté, parmi les cabernets centenaires, un peu de grolleau. C’est un cépage qu’il adore (il en a même planté un peu dans son jardin!) et qui est pour lui parfaitement adapté à la région, bien plus que le cabernet.

