Pierre Ménard

Anjou

Portrait de Pierre Menard, Vigneron en Anjou a Faye d'Anjou

Pierre Ménard

Anjou

Portrait de Pierre Menard, Vigneron en Anjou a Faye d'Anjou

Histoire

Pierre Ménard est vigneron mais il est aussi ingénieur. Ingénieur en agriculture pour être exact, diplômé de l’Ecole Supérieur, à Angers. Il est aujourd’hui installé à une vingtaine de kilomètres de là, sur la commune de Faye d’Anjou, l’endroit où il a grandi et où ses parents habitent toujours (et lui aussi d’ailleurs)

Pour autant, Pierre n’est pas resté cantonné près de chez lui. L’exigence de sa formation et sa soif de découverte l’ont emmené bien plus loin. Au Portugal notamment, dans le Douro, chez Ramos Pinto. Une belle maison, très sérieuse, où très vite on lui a fait confiance et où Pierre a beaucoup appris, notamment sur la vinification des rouges (car oui, vous ne le savez peut être pas mais le Douro, ce n’est pas que les vins mutés de Porto…).

Pierre a également travaillé en Hongrie, au domaine Disznókő, la référence mondiale du Tokaj. Il y reste pratiquement une année et découvre un terroir magnifique, qui le marquera énormément. Entre temps, Pierre est également allé travailler à Pauillac au Chateau Latour, au Canada et en Nouvelle Zélande, dans la région de Marlborough. Il a un peu bourlingué donc…

En 2011, Pierre rentre de Hongrie, riche de rencontres et d’expérience, la tête pleine de souvenirs mais le portefeuille bien vide. Là-bas, il était payé 1.40€ de l’heure, un salaire décent pour le pays mais qui ne permet pas vraiment de folie une fois rentré en France…Autant dire que le retour est un peu rude et Pierre a besoin de travailler donc il s’engage avec un vigneron près de chez lui. Il y restera une petite année, le temps de se refaire la cerise. Le temps surtout de mettre en place le projet qui lui trotte dans la tête depuis un moment…

2013. Début de l’aventure avec la reprise de vignes quasi centenaires. Seulement 0.2 hectares. Un jardin. La cuvée s’appelle Le Quart des Noëls et fait immédiatement parler d’elle. Depuis, presque chaque année, Pierre ajoute une parcelle dans son escarcelle. Un sauvignon (Laïka) en 2014, le chenin du Clos des Mailles en 2016, et en 2017, deux petites parcelles de cabernet franc. Et toujours avec le même talent.

Les Vignes

Pierre Ménard possède aujourd’hui un peu plus d’1.5 hectares de vignes, qu’il ne travaille que le soir et le WE. La semaine, il s’occupe des vignes de ses parents, coopérateurs sur une vingtaine d’hectares. La vigne où tout a commencé est donc située au lieu-dit (en bourgogne, on dirait “sur le climat”) Le Quart des Noëls, sur la commune de Faye d’Anjou. 2000m2 de chenin plantés en 1920, que Pierre a repris en 2013 et qui permet la création de la cuvée éponyme. C’est vraiment un des très beaux terroirs du coin, à mi-coteau, et qui regarde l’Est.

Pierre Ménard dans la parcelle du Quart des Noëls

Cette orientation Est est positive pour obtenir la maturité la plus juste et ainsi  garder de la fraicheur et une belle acidité dans les vins. En contrepartie, et même si cela peut paraitre contre-intuitif, ce soleil du matin peut s’avérer ravageur en cas de gelée tardive au début du printemps*. Le caractère gélif de la parcelle est également accéléré par le fait que le bas de la parcelle coïncide avec une combe où s’engouffre les vents. Ce bas de la parcelle est par conséquent souvent perdu ou consacré à la création du Verjus (les raisins, même s’ils ne gèlent pas, ont de toute façon du mal à atteindre une maturité parfaite).

(*)En cas de gelé blanche, les bourgeons se réveillent emprisonnés dans une fine pellicule de glace, aux alentours de -2,-3° et sont donc à la limite de “griller” (les dégâts deviennent irréversibles vers -5°C). Si le soleil tape fort sur ce bourgeon, la glace qui l’entoure va rapidement passer de l’état solide à l’état liquide, un processus endothermique (qui “capte” de l’énergie). Cela a pour effet d’abaisser encore la température très localement. (c’est le même principe qui fait qu’un glaçon rafraîchit un liquide, le glaçon “puise de l’énergie” dans le liquide pour fondre). C’est donc en fait le soleil qui fait irrémédiablement geler les bourgeons…
La parcelle vue depuis le bas de la pente.

En surface, le sol est composé d’une fine couche de limons à la teneur en argile plus ou moins forte. En dessous, on retrouve une grande complexité de roches datant du primaire avec principalement une belle variété de schistes. On peut également retrouver d’autres roches métamorphiques comme par exemple du quartz.

Un petit panel des roches qui composent le sol de la parcelle du Quart des Noëls

L’autre vigne de chenin que possède Pierre Ménard se situe également sur la commune de Faye d’Anjou. Elle est située au lieu dit Le Vieux Moulin, un mamelon qui fait face au Quart des Noëls. La parcelle est située tout en haut, sur le plateau et le début de la pente. Elle est implantée sur le bon versant du mamelon (l’autre côté est un peu moins intéressant). Benoit Courault y possède également une bonne partie de ses vignes

Pierre possède ici 80 ares de vignes, une partie date de 1993 tandis que le restant (5-6 rangs) est plus jeune et date de 2012. En complément, Pierre vient de récupérer une nouvelle parcelle dans le prolongement de celle-ci (et donc un peu plus mi-pente) de vignes de chenin d’une quarantaine d’années. Tout ceci constitue la cuvée Le Clos des Mailles.

Le Clos des Mailles, vignes de 20 ans
Le Clos des Mailles, jeunes vignes

Le sol est un sol classique des beaux terroirs d’Anjou, c’est à dire composé majoritairement de schistes et d’altération de schistes divers et variés. Sur le haut du plateau, la profondeur de sol est très faible si bien que la roche affleure. La particularité de cette parcelle (et d’une partie du plateau), c’est que l’on retrouve également des bancs de phtanite, une roche sédimentaire siliceuse, alternant avec les schistes. Pierre a marqué ses zones plus riches en phtanite, elles sont vinifiées séparement et donnent une cuvée nommée Pluton (j’ai décidé de ne pas la proposer à la vente mais ce n’est pas une raison pour ne pas en parler quand même…)

On voit bien toute la complexité du sol (schistes, phtanite, quartz, oxydes de fer...)
Sur cette seule roche, on retrouve quasiment toute la diversité de ce joli terroir

Il reste une dernière parcelle de blanc à découvrir et il s’agit d’un sauvignon. Le sauvignon a eu sa période de gloire dans le coin dans les années 60 mais depuis, pratiquement tout a été arraché, en tout cas en ce qui concerne les vignes sur coteaux et schistes (on en retrouve encore dans les plaines sur des sols plus légers d’alluvions). Celle de Pierre se situe sur un haut de coteau, un vrai terroir de schistes, et constitue donc une petite rareté! La parcelle date donc de la fin des années 60 et sa superficie est de 30 ares. Elle est située sur la commune de Faye d’Anjou au lieu-dit Les Noëls (à côté du Quart des Noëls, comme vous l’avez devinez). Petite anecdote amusante, la parcelle cadastrale porte le nom de Clos de la Roche. En théorie, Pierre aurait donc pu appeler son sauvignon Clos de la Roche mais il ne voulait pas d’ennui avec les bourguignons alors…Du coup, la cuvée s’appelle Laïka (ça en jette moins pour les buveurs d’étiquettes mais c’est un peu plus poétique).

Pierre Ménard devant sa vigne de sauvignon qui donne la cuvée Laïka

Pratiques Culturales

L’ensemble du domaine est mené suivant le cahier des charges de l’agriculture biologique même si étant donné la toute petite surface, Pierre n’envisage pas pour le moment de demander de certification. Des préparations (tisanes, décoctions) de plantes (ortie, prêle, osier, pissenlit…) sont utilisées à la vigne, en traitement mais surtout en prophylaxie. L’ensemble des tâches à la vigne et à la cave se fait également en fonction du calendrier lunaire.

Pierre n’utilise donc évidement pas de produits phyto (seulement du soufre et du cuivre) et l’ensemble des sols sont donc travaillés afin de “lutter” contre l’herbe. En fait, Pierre ne cherche pas à lutter contre l’herbe à tout prix. Il ne laisse pas d’herbe dans l’inter-cep mais il n’aime pas avoir ses sols nus pour l’hiver alors un rang sur deux restent enherbés et sur l’autre rang, Pierre sème des engrais verts, un mélange de légumineuses (luzerne, vesce), de graminées (avoine) et de crucifères (moutarde). Cela permet d’avoir un sol aéré et vivant ainsi que d’offrir des réserves d’azote et de matière organique à la vigne lors de l’enfouissement à la fin du printemps. L’ensemble des travaux à la vigne (éclaircissage, rognage) sont faits à la main même si Pierre commence à faire quelques essais de non-rognage justement sur quelques rangs dans le Clos des Mailles (les vignes sont tressées entre elles). Il n’est pas plus convaincu que ça pour l’instant mais les cycles peuvent être longs à la vigne avant de voir l’impact de certaines pratiques donc… Affaire à suivre !

A la cave

C'est par ici que ça se passe !

Pierre Ménard vient d’emménager dans sa nouvelle cave, installée dans un ancien corps de ferme qu’il a en partie rénové. Un outil de travail devenu nécessaire même si la superficie du domaine reste très mesurée. L’endroit sert à la fois de lieu de vinification et de chai d’élevage, le stockage bouteille est lui toujours situé sous la maison de ses parents (de toute façon, les bouteilles ne restent pas longtemps au domaine…).

La nouvelle cave de Pierre Ménard

Pierre a également investit dans un nouveau pressoir pneumatique, finit le vieux pressoir vertical à main donc. Un outil indispensable pour lui, un vrai investissement qui lui permet de gagner en précision et dont il a tout de suite vu les bénéfices. Pierre utilise des programmes très longs, parfois il presse toute une nuit mais pour autant les pressurages sont légers (à pression faible mais maintenue longtemps donc). Il y a plusieurs écoles mais lui cherche à obtenir des jus très clairs si bien que les débourbages sont légers.

La "bête"...le nouveau pressoir de Pierre, un investissement énorme pour lui.

Les jus sont entonnés de suite, en barriques de 1 à 3 vins (pas de bois neuf) et y fermentent en levures indigènes. Pierre aime les fermentations très longues, cela amène de la complexité et en général, elles se finissent tranquillement au printemps. Sauf accident, il n’y a pas de soutirage sur les blancs durant toute la durée d’élevage. Les mises en bouteilles ont lieux en général avant la vendange suivante.

Quelques barriques de blancs encore en élevage

Sur l’ensemble du processus, Pierre accorde une grande importance à chaque détail (je me répète souvent mais le grand vin est une somme de petits détails) et cela se voit jusque dans le “packaging”. Par exemple, Pierre dessine lui-même toutes ses étiquettes et chaque bouteille est cirée et numérotée à la main. Des détails peut être mais qui montrent son exigence et surtout sa philosophie de travail : travailler le plus possible à la main, avec bon sens mais surtout énormément de soin et dans une démarche qualitative très forte. Des préceptes qu’il applique, tout au long du cycle de vie du raisin et du vin.

Le frère de Pierre en plein atelier cirage de bouteilles
Et voilà le résultat !

Les différentes cuvées disponibles à la vente actuellement

Pierre possède également quelques ares de friches pour lesquels il a un projet de plantation, dans le prolongement de la parcelle de sauvignon. Pierre y a déjà planté de l’engrais vert, afin de préparer la terre à recevoir les plants en lui offrant des réserves en matières organiques et en nutriments. Pierre utilise pour cela un mélange de différentes plantes : de la moutarde, de l’avoine, de la luzerne, de la vesce…Les plants proviendront d’une sélection massale maison et seront greffés sur plusieurs porte-greffes différents. La plantation est prévue pour 2018.

Engrais vert (moutarde principalement) sur la future plantation de sauvignon qui viendra agrandir la parcelle donnant la cuvée Laïka