Anne Laure Sicard
Mas Lasta
Terrasses du Larzac
Anne Laure Sicard
Mas Lasta
Terrasses du Larzac
Anne Laure Sicard est une globe-trotteuse repentie. Son amour du vin et de la terre l’a conduite a peu près partout où l’on cultive du raisin. Oenologue et ingénieur agronome, elle a parcouru le monde pour découvrir la culture de la vigne et du vin, ailleurs. Etats-Unis, Canada, Chili, Argentine, Australie, Nouvelle-Zélande, Uruguay. Partout, elle a travaillé dans les vignes, vinifié, découvert, partagé. Appris aussi. Les voyages forment la jeunesse autant que le vigneron (la vigneronne en l’occurence). Anne Laure a aussi travaillé en France, dans le Rhône chez Colombo et à Pauillac, au chateau Latour.
Aujourd’hui, Anne Laure n’est plus “flying-winemaker”. Elle a déniché de vieilles vignes délaissées par tous ou presque, sur des terroirs d’altitude à mi chemin entre Montpellier et Millau et elle y a posé ses valises. A Saint Privat exactement, dans l’appellation Terrasses du Larzac. Nous sommes en 2016, Anne Laure reprend 8 hectares destinés à l’arrachage et crée le Mas Lasta.
Vignes et pratiques culturales
Les vignes se trouvent donc en majorité sur la commune de Saint Privat, sur des terres parmi les plus hautes de l’aire d’appellation, tout à fait sur les contreforts du Causse du Larzac. Les 8,5 hectares de vignes sont isolées au milieu de la garrigue, parmi les chênes verts et blancs, les genets et les oliviers (donnant notamment les olives Lucques, une excellente variété d’olives de table). On est loin des étendues de vignes d’Aniane et Jonquières ici. Anne Laure n’est pas perturbée par les traitements d’autres vignerons, elle n’a pour seul voisin que des brebis et quelques loups parfois, d’où le petit dessin sur les étiquettes.
Les vignes sont reparties en 9 parcelles distinctes mais toutes ne rentrent pas dans la cuvée Mas Lasta. Aujourd’hui, la cave est trop petite (nous y reviendrons) pour vinifier les raisins provenant des 8,5 hectares donc Anne Laure n’en vinifie qu’une partie, le reste des raisins est vendu sur pieds.
En 2016, l’excédant est parti chez Christophe Peyrus (du Clos Marie), dont la récolte avait été détruite par la grêle et en 2017, c’est Guilhem Dardé (du Mas des Chimères) qui est venu chercher des raisins pour combler les manques dus aux gelées de Printemps (les raisins d’Anne Laure entrent dans la cuvée “Grains d’Ailleurs”). On pourrait penser qu’Anne Laure a un peu mal au coeur de voir le fruit de son travail partir chez d’autres mais en fait elle préfère voir le bon côté des choses et est heureuse de participer à la solidarité vigneronne en aidant des collègues durement touchés par la météo. Et puis c’est une source de rencontres et d’échanges de plus.
La grande majorité des vignes d’Anne Laure se situent à la sortie de Saint Privat, au lieu dit Les Maurels. Il y a ici de la syrah et du grenache. La photo suivante est intéressante car sur ce seul cliché on peut voir 80% des vignes entrant dans la cuvée Mas Lasta. Et les couleurs du début d’automne aident bien. Les vignes encore vertes, c’est le grenache tandis que les autres, c’est la syrah.
Les vignes de grenache sont en fait séparées en deux parcelles. Sur la parcelle située au dessus de la route, les vignes sont plus “jeunes”, une quarantaine d’années.
Les vignes en contrebas sont les ceps les plus anciens, Anne Laure ne connait pas leur âge exact (c’est souvent le cas sur les très vieilles vignes) mais vu la taille des bois, elles approchent clairement des 100 ans.
La syrah est située en contrebas de la route, dans la continuité des (ceps de) grenache centenaires. Les vignes ont ici une trentaine d’années.
Tout cet îlot des Maurels (Grenache et Syrah donc) présente globalement une unité de sol. Il s’agit d’un sol peu profond, avec beaucoup de grès affleurant, plutôt ferrugineux mais très chargé en quartz, ce qui use d’ailleurs très vite les outils de travail du sol. Sur la parcelle de Syrah, le sol est légèrement plus chargé en schistes
Juste un mot pour conclure sur cet ilot et sur ces terroirs de Saint Privat. Il y a 30 ans, la vigne y était implantée partout. Aujourd’hui, il ne reste plus que quelques parcelles ci et là. Ils ne sont plus que trois à travailler et croire en ces terroirs: Anne Laure donc, Olivier Jullien (du Mas Jullien, avec la cuvée Lous Rougeos, des parcelles situées dans le village) et un “coopérateur” qui travaille pour Jean Baptiste Granier (du domaine Les vignes Oubliées mais qui ne dédie pas une cuvée à ce “climat” (allez, j’ose le mot)). Ce sont pourtant des terroirs magnifiques, parmi les plus hauts de l’appellation, autour de 400m d’altitude, et qui offrent de bonnes amplitudes thermiques entre le jour et la nuit. Autant de caractéristiques qui permettent notamment d’éviter autant que possible les décalages de maturité et d’apporter une fraicheur dans les vins, fraicheur que tant de vignerons recherchent aujourd’hui.
Anne Laure a ajouté une parcelle au domaine en 2017. 0,8 hectare de cinsault, sur schistes, situé sur la commune du Bosc (le cinsault est le cépage rouge le plus recherché dans la région). Des vieilles vignes, en gobelets, qui n’ont jamais vu de traitements chimiques. Donc même si Anne Laure a “beaucoup” de vignes et n’arrive pas à tout vinifier pour le moment, c’est le genre de parcelle que l’on ne laisse pas filer lorsqu’on vous la propose!
L’ensemble des vignes est travaillé suivant le cahier des charges de l’agriculture biologique. Etant donnée la reprise récente, le domaine est encore “en conversion” mais d’ici 2019, les vignes et les vins seront certifiés. Il n’y a bien sûr pas d’utilisation de pesticides ou de désherbants chimiques. Les sols sont travaillés, au chenillard ou au tracteur, parfois en passes croisées lorsque l’implantation et le non palissage des ceps le permet, comme dans le cinsault de la Garenne par exemple. Anne-Laure commence également à utiliser la traction animale et les grenaches centenaires sont par exemple labourés au cheval de trait, ce qui permet un travail tout en douceur. L’inter-cep est lui travaillé à la main, à la pioche. Un sacré boulot mais c’est nécessaire, le vin se fait à la vigne!
De la vigne au vin
La cave d’Anne Laure est situé dans le hameau de Saint Alban, sur la commune du Bosc. Il s’agit en fait d’une grange réhabilitée, d’environ 50m2 où ont donc lieu la vinification et l’élevage. La vendange (récoltée manuellement bien sûr) qui arrive ici est égrappée et foulée puis mise en fermentation en cuves inox. Anne Laure aime bien l’inox, pour elle c’est ce qu’il y a de plus hygiénique, de plus “neutre” aussi, aromatiquement bien sûr mais aussi pour la santé (elle ne veut pas entendre parler de cuves en fibre/résine par exemple). Les cépages sont parfois vinifiés ensemble, parfois séparement. C’est la date de la vendange qui dicte le remplissage de la cuve plus que le cépage.
Les extractions sont légères, avec quelques remontages et des pigeages doux. Pour autant, Anne Laure ne cherche pas forcément à faire des vins “de texture”, avec des touchers de bouche ultra-soyeux. Elle aime les vins qui ont quand même une structure tannique, une mâche : “ça fait ressortir le terroir et puis il faut quand même qu’on sente la sueur laissée dans la vigne” sourit-elle. Pour autant, rien de rustique dans ses vins et Anne Laure n’utilise d’ailleurs que les jus de goutte (le marc n’est pas pressé).
Les cuvaisons durent une vingtaine de jours. La moitié des jus restent en cuves inox pour l’élevage et l’autre moitié est entonnée en barriques. Anne Laure utilise presque exclusivement des barriques non neuves qu’elle est partie chercher à Chassagne-Montrachet (des fûts de blanc). Pour le premier millésime (2016), elle a complété avec une tout petite partie de fûts neufs (10%). C’est la syrah qui part principalement dans les fûts, car c’est le cépage le plus réducteur, elle a donc besoin d’un peu plus d’air (ce que ne permet pas l’inox). Rien n’est figé et pour 2017, Anne Laure a également mis une petite partie du grenache en barriques (pour l’avoir gouté juste après malo, la matière était énorme). L’élevage dure une année et la mise a lieu en phase lunaire favorable.