Valentin Bruneau

Domaine des Frères

Chinon

Valentin Bruneau

Domaine des Frères

Chinon

Note importante : Le domaine a initialement été crée par les deux frères Henri et Valentin Bruneau en 2020. Henri a totalement quitté le domaine en Novembre 2022 et est désormais à la tête du Clos de l’Épinay, à Vouvray. Le nom Domaine des Frères reste mais Valentin est désormais seul aux commandes épaulé par sa compagne Marie. Même si une partie du parcellaire a changé vers une réduction de la surface et si certaines pratiques, culturales ou à la cave, ont pu légèrement évoluées, la très grande majorité de ce qui est écrit dans le portrait à suivre, qui a été rédigé au moment de leur collaboration et qui se concentre essentiellement sur la description des parcelles et leur géologie, reste valable.

Le hasard, c’est quand même un drôle de truc…Ma première rencontre avec Henri date de fin 2018. Ça se passe dans la cave de Patrick Corbineau, à Candes Saint Martin (oui, il y a pire comme lieu pour rencontrer des passionnés de vin…). A l’époque, le Domaine des Frères n’existe pas encore et Henri travaille alors avec le grand Patrick. Pendant que ce dernier ouvre un 1989 de son père (fringant comme un primeur), Henri me parle un peu de lui et surtout de son projet d’installation avec son frère Valentin (qui lui travaille dans le beaujolais chez Yvon Métras). Leur objectif : faire des vins de terroirs et dans une démarche “nature mais net”. Autant dire, un projet plutôt prometteur !

Aujourd’hui, le projet est devenu une réalité. Les deux frangins prennent soin de leurs 11 hectares de vignes, situés à la confluence de La Vienne et de La Loire, dans l’aire d’appellation Chinon. 10 de rouge (du cabernet franc) et 1 de blanc (du Chenin). 2020 est leur premier millésime. Avant cela, ils ont passé pratiquement 2 ans à chercher leurs vignes. Ils avaient une idée très précise de ce qu’ils voulaient (en terme de matériel végétal, de qualité de terroir, de superficie) mais n’étaient pas fixés sur une appellation en particulier et bien qu’originaire de Chinon, ils étaient prêt à s’installer du Muscadet à la Touraine. Après plus de 2 ans de recherche donc, des centaines de coup de fil et pas mal de visites, ils ont finalement trouvé leur bonheur, à 300m de la maison de leur mère. Quand je vous dis que le hasard, c’est quand même un drôle de truc…

Les vignes dans la plaine, on n’en veut pas ! – Henri Bruneau

Une chose est sûre et un petit tour du parcellaire suffit à le comprendre : ces deux là savent ce qu’ils font. Toutes les vignes sont d’âge (aucune n’a moins de 35 ans), 80% du matériel végétal est issu de sélection massale et surtout toutes sont situées sur des terroirs de premier ordre. Uniquement des vignes de coteaux ou situées sur les plateaux. Henri et Valentin ont même déniché une petite parcelle située dans Les Picasses, le “Grand Cru” local. Bon, d’accord, ce n’est “que” 30 ares mais quand même, c’est Les Picasses.

Vue sur Les Picasses (au fond en face)

Ici, la démarche parcellaire est très forte, avec pas moins de 6 cuvées de cabernet franc différentes (plus le blanc). Henri et Valentin cherchent à mettre en valeur les différents terroirs de la commune, qui se distinguent notamment par des variations d’exposition et/ou de sol, certes fines, mais bien réelles. Et le résultat se retrouve dans le verre car chaque cuvée a une vraie raison d’exister et possède sa propre personnalité. De la haute couture!

La parcelle des Moulins de Beau Puy (en arrière plan), vue depuis Les Picasses. La photo précedente est prise depuis cette parcelle des moulins de Beau Puy

Dans cette parcelle précise des Moulins de Beau Puy (un îlot de 3,5 hectares), les frangins ont même choisi de faire une sélection intra-parcellaire (qui s’appelle Les Pucelles) avec les vignes les plus vieilles, situées dans le coeur de la parcelle. Elles sont plantées légèrement en travers de la pente (à l’époque, on s’embarrassait pas trop et c’était pas grave si les rangs n’étaient pas au cordeau, de toute façon, on les travaillait au cheval).

Une vue plus claire d'une partie du parcellaire

Le sol est ici typique de la commune : un sol du Turonien (ère secondaire) constitué d’altérations de roche calcaire (tuffeau jaune). Des millarges comme on les appelle ici, notamment connues pour leur capacité à emmagasiner de l’eau. Plus on remonte la pente, moins le calcaire est altéré, plus on retrouve vraiment la craie, le tuffeau (sous forme de roche) et plus il a tendance à être blanc. C’est une observation classique, le tuffeau est généralement jaune (plus friable) dans les pentes et blanc (plus dur) sur les plateaux.

Un des moulins abandonnés qui a donné son nom au lieu-dit
Morceaux de terroir dans les Moulins de Beau Puy (millarge à aspect falunier)

L’ensemble du domaine est en conversion vers l’agriculture biologique (une conversion entamée dès la reprise des vignes). Les frangins n’utilisent aucun produit phytosanitaire de synthèse (désherbant, insecticide, antifongique) à l’exception du soufre et du cuivre. Leur obsession est d’avoir des sols vivants et surtout aérés. Pour cela, ils limitent au maximum le passage du tracteur et ne travaillent les sols qu’avec parcimonie (pour ne pas casser les horizons de sols entre autre). L’objectif est de ne faire qu’un seul passage de tracteur par an. Pour cela, les traitements ne sont jamais posés avec le tracteur justement mais avec des quads, équipés de petits pulvérisateurs de 300L seulement. Un petit ensemble 5 à 6 fois moins lourd qu’un tracteur avec un pulvé classique multi-rang. Autre avantage, cette méthode permet d’être plus rapide et surtout plus réactif (ils peuvent traiter l’ensemble du domaine en 5 heures seulement là où il faudrait une journée et demi en tracteur). Résultat, les traitements sont posés pile au bon moment et ils utilisent donc moins de produits. Malin, les frangins !

Chacun son quad, pas de jaloux !

Parlons du Pérou maintenant…Non, je ne vais pas vous emmener en Amérique du Sud puisque le Pérou, c’est le nom d’un lieu-dit situé dans les bois de Beaumont en Véron (en appellation Chinon toujours, au cas où vous n’auriez pas suivi). Et c’est un lieu qui sort totalement de l’ordinaire. C’est une petite zone préservée, classée Natura 2000, où l’on retrouve une faune et une flore d’influence méditerranéenne, avec des pins maritimes, du thym serpolet et plein d’insectes aux noms compliqués qu’on ne trouve habituellement pas sous ces latitudes…Henri et Valentin possèdent ici une parcelle d’environ 2 hectares, entièrement entourée de bois.

La parcelle du Pérou
Le Pérou vu du Ciel. Quand je vous dit que c'est entouré de forêts, c'est pas du pipeau !
Le Chataignier centenaire du Pérou

Le sol est ici composé en surface d’alluvions, des sables éolisés (des sables qui ne sont pas issus de la dégradation de matériaux du site, mais apportés et/ou dégradés par le vent (bon, vous aviez deviné…)). Un sol qui se réchauffe très vite en été. En dessous, 2 unités de terroir cohabitent avec dans le coeur de la parcelle, une petite poche assez profonde d’argiles lourdes et de tuffeau et sur l’essentiel de la parcelle, on retrouve plutôt du silex et du calcaire, avec un substrat parfois très proche de la surface. Il est d’ailleurs possible d’observer de grandes “dalles” de silex, qui ressortent ici et là.

Les sables éolisés de surface, dans la parcelle du Pérou
Un exemple du substrat silex/calcaire du sous-sol du Pérou. Plutôt impressionnant !
On ne sépare pas une mère de son enfant – Henri Bruneau

Henri et Valentin ont l’habitude de vendanger très tôt le matin, à la main évidemment. Ils démarrent dès 4 heures du matin, afin de rentrer des raisins à la température la plus fraiche possible. La très grande majorité des vinifications se déroulent en cuve béton. La vendange est généralement égrappée (mais non foulée), à la main (sur une grille) puis mise à macérer pour des durées allant de 10 jours à plusieurs semaines mais toujours avec des extractions ultra douces. Je devrais plus parler d’infusion que d’extraction d’ailleurs. Toutes les vinifications se font totalement sans intrant (pas de levurage, pas d’enzymage, pas de soufre…), un point évidement essentiel pour les deux frères. Contrairement à certains qui aiment les élever séparément, les jus de goutte et de presse sont assemblés immédiatement. “On ne sépare pas une mère de son enfant”, me dira Henri.

Les vieilles cuves (en) béton

Une partie des vins est élevée dans ces même cuves (en) béton. Trois cuvées pour être exactes :  Le Pérou, Les Moulins de Beau Puy et sa sélection intra-parcellaire, Les Pucelles. Toutes les autres cuvées sont élevées en barriques, dans une cave troglodyte. Henri et Valentin mixent les origines de bois, les chauffes et les tonneliers mais n’utilisent jamais de barriques neuves. C’est un des axes forts de leurs pratiques à la cave, ils ne souhaitent surtout pas imprimer la marque aromatique de l’élevage bois sur les vins. Si besoin, en fonction notamment de la tenue des vins à l’air, une petite dose de soufre est ajoutée à la mise.

La cave des deux frangins (vraiment superbe !)
Des élevages en douceur, dans une cave froide, un des secrets pour de grands cabernets de Loire